[Ils et elles ont choisi la France #1] Sergei Kostjuk rejoint l'Institut parisien de chimie moléculaire

Entretiens International

Après une carrière fructueuse à l'Université d'Etat de Biélorussie, Sergei Kostjuk rejoint l'Institut parisien de chimie moléculaire en tant que directeur de recherche externe pour ses recherches sur la polymérisation cationique. Il nous en dit plus sur son parcours, ses motivations pour postuler au CNRS et ses perspectives pour les années à venir.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos thèmes de recherche ?

J'ai obtenu mon doctorat en chimie des polymères en 2002 à l'Université d'Etat de Biélorussie. Je suis resté dans cette université pendant la majeure partie de ma carrière : après avoir créé mon propre laboratoire axé sur la catalyse des processus de polymérisation à l'Institut de recherche sur les problèmes physico-chimiques en 2008, je suis devenu professeur associé en 2012. J'ai également dirigé la chaire des composés de masse moléculaire élevée au département de chimie en 2018. Enfin, j'ai été promu professeur en 2021.

Depuis le début de mon doctorat et au cours de mes 25 ans de carrière, je me suis concentré sur la polymérisation cationique, un processus de croissance des chaînes polymériques dans lequel les espèces actives sont chargées positivement. L'un de mes plus grands projets à l'Université d'État de Biélorussie concernait la conception d'un nouveau système catalytique pour la synthèse du polyisobutylène hautement réactif, un intermédiaire clé pour la préparation d'additifs « sans cendres » pour l'huile de moteur et le carburant. J'ai mené ce projet en coopération avec BASF, grand groupe chimique allemand, qui a accordé à notre équipe un financement substantiel de 400 k€ au fil des années. Cette collaboration a donné lieu à plus de 20 publications et plus de 15 brevets conjoints. Malheureusement, nous avons dû interrompre le projet en 2022 en raison de l’invasion russe en Ukraine. J'espère reprendre ce partenariat maintenant que j'ai un nouveau poste en France.

Outre la polymérisation cationique, mes recherches portent sur la synthèse des polymères, la catalyse et la chimie verte. Récemment, je me suis intéressé à la polymérisation photoinitiée, à l'électronique organique et aux polymères réactifs aux stimuli.

Qu'est-ce qui a motivé votre candidature au CNRS ?

Lorsque je travaillais à l'Université d'Etat de Biélorussie, j'ai effectué de nombreuses visites dans des laboratoires français, que ce soit dans le cadre de projets individuels, de projets ANR ou de contrats industriels. J'ai principalement collaboré avec des collègues de l'Institut Charles Gerhardt1  à Montpellier entre 2006 et 2011, puis du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères2  à Lyon entre 2014 et 2017.

C'est au cours de ces nombreux séjours en France que j'ai découvert le CNRS. J'ai réalisé que travailler au CNRS m’ouvrirait de grandes opportunités en me permettant de réaliser mon propre programme de recherche et de contribuer à la résolution de problèmes scientifiques fondamentaux. Ayant déjà travaillé avec de nombreux chercheurs du CNRS comme François Ganachaud, j'étais confiant dans ma capacité à créer un réseau de recherche en France.

Lors du processus de candidature, j'ai choisi l'Institut parisien de chimie moléculaire pour deux raisons principales. Lorsque j'ai rencontré l'équipe de chimie des polymères en 2023, j'ai constaté que mes compétences correspondaient parfaitement au programme de recherche du laboratoire. Je pouvais me projeter dans le développement de nouvelles approches plus durables pour la préparation de (co)polymères avec mes futurs collègues. La deuxième raison est que le laboratoire a compté par le passé des scientifiques de renom dans mon domaine, tels que Pierre Sigwalt – le fondateur du laboratoire qui allait devenir l'équipe de chimie des polymères de l'IPCM dans les années 1950 – et Jean-Pierre Vairon. Après leur départ, le laboratoire a malheureusement cessé ses activités sur la polymérisation cationique. J'ai vraiment hâte de relancer les recherches sur ce sujet !

Quelles différences avez-vous remarquées entre votre ancien environnement de travail et celui que vous découvrez ici ?

Malheureusement, il y a très peu de bons scientifiques et groupes de recherche en Biélorussie. Par conséquent, les possibilités de travailler avec des compatriotes sont rares. En revanche, les scientifiques avec lesquels je travaille dans mon nouveau laboratoire en France ont une large expérience pluridisciplinaire de la synthèse des polymères. Leur expertise ouvre des perspectives passionnantes pour découvrir de nouveaux mécanismes et créer de nouveaux matériaux. Ce réseau ne s'arrête pas au laboratoire : nous pouvons coopérer avec d'autres groupes de recherche en France et à l'étranger.

L'IPCM est également bien équipé en instruments et plateformes analytiques de pointe. Bref, notre environnement de travail est beaucoup plus compétitif. Et cerise sur le gâteau, si je puis me permettre : le nombre de jours de congés des personnels du CNRS !

Avez-vous encore des projets en cours avec la Biélorussie ?

Bien que plusieurs de mes projets soient toujours en cours dans mon ancien laboratoire à l'Université d'Etat de Biélorussie, je ne les dirige plus. Cela dit, je suis toujours en contact avec mes anciens collègues et je continuerai à travailler sur certains sujets de recherche que j'ai lancés en Biélorussie dans mon nouveau laboratoire. Je suis reconnaissant pour le soutien que j'ai reçu à la fois du CNRS (une bourse de 150 k€) et de Sorbonne Université (un soutien financier pour un doctorant), qui m'aidera à attirer les meilleurs scientifiques de mon ancien laboratoire pour mener à bien mes recherches sur la polymérisation cationique en France.

En raison de la guerre en Ukraine, il semble aujourd'hui difficile de travailler avec l'université d'État de Biélorussie. J'espère que cette collaboration redeviendra possible à un moment plus propice. La Biélorussie compte de nombreux jeunes chercheurs talentueux qui bénéficieraient d'une intégration dans la communauté scientifique européenne.

Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?

Mon projet scientifique porte sur l'élaboration de systèmes catalytiques sans métal pour la synthèse de (co)polymères fonctionnels par polymérisation cationique à partir de monomères dérivés du pétrole mais aussi de monomères biosourcés. L'objectif est de répondre aux exigences d'une économie circulaire et de minimiser ainsi l'impact sur l'environnement. Un autre objectif que j'aimerais atteindre avec ce projet est la synthèse de nouveaux matériaux en combinant la polymérisation cationique avec d'autres techniques (ATRP, RAFT, ROP). Les applications sont nombreuses, notamment dans le domaine de l'électronique organique et de la santé. À long terme, j'aimerais développer des approches efficaces pour le recyclage, la dépolymérisation en monomères ou la transformation en produits chimiques à haute valeur ajoutée des (co)polymères préparés par un mécanisme cationique.

Propos recueillis par CD

  • 1CNRS/ENSC Montpellier/Université de Montpellier
  • 2CNRS/INSA de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet

“Ils et elles ont choisi la France”

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Communication CNRS Chimie