Véronique Éparvier explore la chimiodiversité en forêt tropicale

Développement durable Entretiens

Pour Véronique Éparvier, directrice de recherche à l’Institut de chimie des substances naturelles (CNRS/Université Paris Saclay), la forêt tropicale, qu’elle explore sans peur, abrite une chimiodiversité infinie de molécules à protéger, sources de médicaments pour demain.

« Dans la forêt, il y a une atmosphère spéciale », explique Véronique Éparvier à propos de ses expéditions de collecte de végétaux et de champignons dans la jungle guyanaise. « C’est très bruyant, il y a beaucoup de sons. Quand on connaît la forêt, on apprend à les reconnaître : ici, c’est une grenouille sur un arbre, là c’est un grillon, là-bas c’est tel oiseau.» Pour cette spécialiste des substances naturelles, chaque plante, insecte, champignon ou microorganisme produit un éventail de molécules qui aident la forêt à se développer, à se défendre, à s’adapter à un changement, ou encore, à communiquer. Ces molécules sont, pour Véronique Éparvier, une ressource qu’il faut protéger, étudier et potentiellement valoriser.

Le parcours de cette chimiste est peu commun. Elle est titulaire de deux Master. Le premier porte sur la valorisation des espèces végétales tropicales et le deuxième, sur l’ethnopharmacologie, les médicaments des sociétés traditionnelles. « Ce qui m’intéressait était de voir comment l’Homme s’intègre à la Nature et comment ses connaissances peuvent être valorisées » explique-t-elle.

En 2002, elle se lance dans une thèse à l’Institut de chimie des substances naturelles (ICSN – CNRS/Université Paris Saclay), où elle commence à s’intéresser à ces molécules produites par les organismes vivants. Doctorat en poche, elle part en Guyane pour étudier la chimiodiversité de la forêt amazonienne. Pendant cinq ans, elle multiplie les campagnes de collecte de plantes et étudie la fonction de leurs métabolites secondaires, molécules produites en réponse aux pressions de l’environnement.

Ces molécules peuvent en effet être valorisées. Un exemple ? Si l’arbre Sextonia Rubra résiste si bien à la pourriture et aux attaques des insectes, c’est parce qu’il produit des molécules insecticides et fongicides. Son équipe du CNRS au sein de l’UMR Ecofog a réussi à isoler ces molécules, qui, appliquées sur du bois de construction, permettent d’allonger sa résistance aux termites et à la pourriture.  De même, la forêt recèle des molécules aux propriétés antimicrobiennes ou anticancéreuses.

De retour en France en 2010, elle reprend du service à l’ICSN et étend son champ de recherche aux microorganismes. Eux aussi synthétisent des molécules qui pourraient nous rendre service. Elle s’intéresse en particulier aux métabolites secondaires produits par les bactéries et champignons qui vivent en symbiose avec des insectes ou avec des végétaux. Elle tente de comprendre leur rôle au sein de ces symbioses et d’identifier les composés produits ayant une fonction de défense ou de signal entre les organismes.

Mais ce n’est pas pour autant que Véronique Éparvier oublie l’Amazonie guyanaise. Elle y retourne souvent pour de nouvelles campagnes de collecte. Elle coordonne notamment un projet qui vise à mieux connaître la diversité des champignons guyanais et à les étudier du point de vue morphologique, génétique, chimique et toxicologique. Déjà, plus de trois cents espèces ont été collectées, dont certaines n’ont jamais été décrites. « Pour protéger la forêt, il faut d’abord bien la connaître », confie-t-elle. « Si on perd la forêt et tous les êtres qui la composent dans l’infiniment grand et l’infiniment petit, on perd en même temps les potentiels médicaments de demain. »

Sebastian Escalon

Contact

Véronique Eparvier
Chercheuse à l'Institut de chimie des substances naturelles (CNRS/Université de Paris-Saclay)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS