Verdir la chimie des mousses polyuréthane

Développement durable Résultats scientifiques

Dans un article paru dans la revue ACS Catalysis, des scientifiques du CNRS et de l’Université de Bordeaux présentent un nouveau procédé pour préparer de façon plus sûre les ingrédients qui entrent dans la composition des peintures et mousses polyuréthane. Largement utilisés dans l’isolation et le bâtiment, ces matériaux sont aujourd’hui obtenus à partir de briques de base assez toxiques qu'il serait possible d'éviter à l’avenir.

Sixième classe de polymères de commodité produits à l’échelle de 30 millions de tonnes par an, les matériaux polyuréthane sont des polymères issus de la réaction entre des briques de bases, les isocyanates et polyisocyanates, et des alcools. La résistance aux solvants, à la chaleur et à l'abrasion de ces polymères en fait des matériaux de choix pour une multitude d'applications industrielles et domestiques, incluant les mousses isolantes, les peintures, vernis, matériaux d'étanchéité, ou encore adhésifs. Les ingrédients isocyanates présentent cependant une toxicité bien établie, l’exposition professionnelle par inhalation ou contact cutané à ces composés pouvant entraîner des allergies, des problèmes respiratoires voire des maladies pulmonaires graves. Des réglementations strictes concernant leur manipulation, leur stockage et leur élimination ont ainsi été mises en place. Malgré leur indéniable utilité, la substitution de ces briques moléculaires incontournables en chimie organique et macromoléculaire par des précurseurs de moindre toxicité constitue donc un défi tant d’un point de vue fondamental qu’industriel et sanitaire.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut des sciences moléculaires (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux) ont récemment mis au point une méthode qui permet d’incorporer des précurseurs de la fonction isocyanate sur la chaine carbonée d’alcanes ou de polymères tels que le polyéthylène (PE). Ces fonctions isocyanate masquées peuvent être facilement greffées sur les molécules carbonées par activation de liaisons carbone-hydrogène peu réactives à l’aide d’un réactif bon marché dérivé de l’urée. Tant que les fonctions restent masquées sous la forme du précurseur, les molécules qui les contiennent peuvent être manipulées sans risque. Ces fonctions peuvent ensuite être facilement démasquées dans la formulation finale pour réagir avec les alcools et générer la molécule ou le matériau désiré. Dans l’étude publiée dans la revue ACS Catalysis, cette stratégie a été notamment appliquée à la fonctionnalisation du polyéthylène. Au-delà des polyuréthanes, les scientifiques montrent que cette stratégie de fonctionnalisation laisse également entrevoir des développements possibles pour le recyclage du PE par traitement des déchets de ce matériau délétères pour l’environnement.

Surcyclage du polyéthylène par greffage du dérivé de l’urée sur la chaine polymère. Un exemple de valorisation de ce matériau « plastique » dont l’accumulation dans le milieu naturel est nocif pour les écosystèmes. © Y. Landais

Référence

O-Methyl-N-Nitroisourea as a NCO Surrogate in Cu-Catalyzed Alkane C‒H Amidination. A Masked Isocyanate Strategy
J. Lusseau, F. Robert, Y. Landais
ACS Catalysis
2023
https://doi.org/10.1021/acscatal.3c03293

Contact

Yannick Landais
Enseignant chercheur à l’Institut des sciences moléculaires (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
Communication CNRS Chimie