Une précision inédite dans l’observation de structures moléculaires sur surface
De nombreux dispositifs comme les capteurs, les catalyseurs ou les matériaux multifonctionnels utilisent des molécules déposées sur des surfaces. Comprendre leurs interactions avec leur environnement est un enjeu majeur pour leur développement et l’optimisation de leur performance. Des scientifiques viennent de mettre au point une approche innovante qui permet d’identifier la structure chimique de ces molécules avec une précision nanométrique et ce à pression atmosphérique et à température ambiante.
Déposer des molécules sur une surface permet aux chimistes de mieux comprendre comment elles interagissent entre elles, avec la surface ou avec l’environnement. Ils peuvent ainsi contrôler et exploiter ces interactions pour les utiliser comme capteurs chimiques de polluants par exemple, ou biochimiques (glucose pour le diabète, marqueurs tumoraux…). Déposer des molécules actives (catalyseurs) (souvent des métaux) sur des surfaces permet également d’optimiser les réactions chimiques qu’elles catalysent et de les rendre plus sélectives.
Mais identifier précisément la composition chimique de ces molécules en surface reste un défi nécessitant des instruments de mesure complexes et, la plupart du temps, des conditions de vide extrême qui peuvent dénaturer l’état de surface du système que l’on regarde.
Des scientifiques de l’équipe AFM-IR de l’Institut de chimie physique (CNRS/Université Paris-Saclay) en collaboration avec une équipe de l’Institut FEMTO-ST (CNRS / Université de Franche-Comté) viennent de franchir une nouvelle étape dans l’exploration de ce monde nanométrique. Grâce à une technique innovante qu’ils ont mis au point alliant microscopie à force atomique (AFM) et spectroscopie infrarouge (IR), ils sont parvenus à identifier la structure chimique de molécules individuelles avec une précision inédite. Mieux encore, les mesures ont été réalisées dans des conditions expérimentales standards, à pression atmosphérique et température ambiante, rendant cette technologie beaucoup plus facile à mettre en œuvre.
Plus précisément, cette méthode baptisée « AFM-IR en mode tapping » leur a permis de détecter et d’identifier des groupes moléculaires particuliers dans une monocouche déposée sur surface, avec une résolution exceptionnelle de 2,8 nanomètres. En combinant les différences de contraste observées sur des images topographiques1 et les variations de signature infrarouge des molécules étudiées comme les vibrations caractéristiques des liaisons CH₂, ils ont pu identifier sans ambiguïté et localiser certains groupes chimiques qui composent la structure moléculaire, - un défi jusque-là insurmonté.
Cette précision inégalée ouvre la voie à une cartographie chimique haute résolution où il devient possible de voir comment les molécules s’organisent et interagissent à l’échelle de l’atome. Des résultats qui ouvrent des perspectives en nanotechnologies avec la conception de nouveaux matériaux fonctionnels à l’échelle moléculaire pour la détection, l’électronique moléculaire (dispositifs ultra-miniaturisés), la catalyse etc.
Rédacteur : CCdM
- 1Une image topographique montre la hauteur relative (ou la profondeur) des différents points d’une surface, mesurée par rapport à une référence plane, permettant de cartographier le relief de la surface à l’échelle microscopique ou atomique.
Référence
Alexandre Dazzi, Frank Palmino, Ariane Deniset-Besseau, Jérémie Mathurin, Vincent Luzet, Peter De Wolf, Qichi Hu, Chunzeng Li, Cassandra Phillips & Frédéric Chérioux
Chemical Mapping of Supramolecular Self-Assembled Monolayers via Atomic Force Microscopy-Based Infrared with a Nanometer-Scale Lateral Resolution
The Journal of Physical Chemistry Letters 2025
https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jpclett.5c00360