Une IA générative pour accélérer la découverte de nouveaux matériaux lauréate d’un prestigieux financement européen
Développer une intelligence artificielle générative pour prédire des paramètres de procédés de synthèse : c’est l’ambition de GEMPROMISE, porté par Cyril Aymonier et deux collègues européens. Le projet est lauréat d’une bourse ERC Synergy à hauteur de 9,1 millions d’euros.
« C’est l’aboutissement de huit ans de travail », savoure Cyril Aymonier, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB)1 . Le chercheur, également lauréat de la médaille de l’innovation du CNRS en 2024, porte avec Gian-Marco Rignanese (Université catholique de Louvain) et Pierre Vandergheynst (École polytechnique fédérale de Lausanne - EPFL) le projet GEMPROMISE, lauréat d’une bourse ERC Synergy en 2025.
L’intelligence artificielle, une piste pour découvrir de nouveaux matériaux
Dans le contexte des transitions écologique et énergétique, le besoin de nouveaux matériaux – plus performants, se passant d’éléments critiques, ou encore capables de stocker de l’énergie – se fait pressant. Pour ce faire, les scientifiques cherchent à développer une méthodologie de rupture permettant d’accélérer leur découverte. Un défi que souhaitent relever de nombreuses équipes dans le monde, comme au sein de DIADEM, un programme de recherche exploratoire consacré aux matériaux émergents et porté par le CNRS et le CEA, avec un budget de 85 millions d’euros sur huit ans, programme dans lequel Cyril Aymonier est également impliqué.
L’intelligence artificielle générative (IAg) est une des pistes les plus prometteuses, déjà identifiée par les géants de la tech tels que Microsoft et Google. « C’est un sujet très chaud aujourd’hui », confirme le chercheur bordelais, qui pointe toutefois une difficulté de taille : l’IAg actuellement développée par les grands groupes américains réussit à prédire la structure d’un matériau en fonction de la propriété souhaitée, mais pas la façon de parvenir à cette structure. C’est tout l’enjeu du projet GEMPROMISE : développer une intelligence artificielle capable de prédire des paramètres de procédés de synthèse sur la base des propriétés et des performances envisagées.
- 1laboratoire CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP
Des expertises complémentaires
Le financement attribué par le Conseil européen de la recherche récompense une collaboration lancée dès 2021 et formalisée avec la création en 2023 d’un projet international de recherche (IRP) du CNRS baptisé MALCOM. Avec GEMPROMISE, Cyril Aymonier poursuit sur cette lancée. Celui qui travaille aujourd’hui sur la synthèse haut débit ambitionne de produire plus de 50 000 matériaux par an. Un volume rendu possible par l’IAg, mais « qui prendrait des centaines d’années avec un processus classique d’essai-erreur ».
À cette production massive de données expérimentales s’ajoute celle de données calculées : c’est la tâche de Gian-Marco Rignanese. Le professeur à l’Université catholique de Louvain est spécialiste de modélisation et d’apprentissage automatique. Les deux chercheurs sont rejoints par un troisième acolyte, Pierre Vandergheynst, qui développe le modèle d’IA générative du projet GEMPROMISE. Le professeur à l'EPFL - École polytechnique fédérale de Lausanne constate : « Nous vivons une période de transformation rapide et profonde de nos pratiques de recherche, portée par l’émergence de nouveaux outils fondés sur l’intelligence artificielle. Si nous parvenons à les intégrer pleinement dans la démarche scientifique, ces outils nous permettront d’explorer des modèles complexes, tout en restant à la portée de la compréhension humaine. »
« Au seuil d’une nouvelle frontière »
« Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur la synthèse supercritique, dont l’ICMCB est un fer de lance en France et au niveau international », détaille Cyril Aymonier. L’équipe prévoit notamment de travailler sur les phyllosilicates et la largeur de bande interdite (band gap) comme propriété1 . De quoi développer des cellules photovoltaïques capables de capter différentes longueurs d’onde du spectre solaire, de l’ultraviolet à l’infrarouge. Mais le chercheur bordelais se projette déjà dans l’après : « Notre objectif est de généraliser cette méthodologie de rupture à tous les matériaux et à tous les procédés d’élaboration. »
« Recevoir un financement ERC Synergy, c’est comme se trouver au seuil d’une nouvelle frontière, construite au fil d’innombrables heures de curiosité et de collaboration », témoigne Gian-Marco Rignanese. « C'est à la fois l'aboutissement de mon parcours personnel et un triomphe collectif, confirmant que notre vision commune peut être à l'origine d'une science transformatrice. Je suis honoré par cette reconnaissance et motivé à repousser les limites de la connaissance, sachant que le meilleur reste à venir. »
Son collègue de l’EPFL, Pierre Vandergheynst, abonde : « Ce projet est une aventure humaine née d’une véritable rencontre, au-delà nos disciplines respectives, et nous offre une opportunité unique. » Une aventure humaine désormais lauréate d’une bourse ERC Synergy à hauteur de 9,1 millions d’euros pour six ans, dont 3,7 millions attribués au CNRS. Il est prévu que le projet GEMPROMISE débute au 1er avril 2026.
Rédacteur : CD
- 1La bande interdite (gap) d’un matériau est l’intervalle dans lequel la densité d’états d’électroniques est nulle. Sa largeur (band gap) est une caractéristique fondamentale des matériaux semiconducteurs.