Une colle bio-inspirée des moules
On observe généralement les moules incrustées sur les rochers au bord des plages ou sur les pieux plantés par les conchyliculteurs. Mais les moules peuvent également se fixer aux métaux et cette faculté inspire les chercheurs de l’Institut Charles Sadron. Une publication vient de paraître dans le magazine ACS Applied Materials and Interfaces, et une demande de brevet a été déposée pour une "colle" bio-inspirée, capable de lier des protéines, en particulier des enzymes (protéines ayant des propriétés catalytiques), sur des surfaces métalliques.
Tout part d’une observation : certains mollusques sont de véritables passagers clandestins et naviguent sur des milliers de kilomètres en s’accrochant à la coque métallique des navires. Pour se fixer ainsi, les moules produisent de la dopamine, une protéine composée d’une amine et d’un catéchol, une molécule cyclique coiffée de deux fonctions alcool. C’est cette partie, le catéchol, qui intéresse les chercheurs de l’Institut Charles Sadron, à Strasbourg. « Le catéchol peut interagir avec des ions métalliques ainsi que se fixer aux métaux, explique la chercheuse Fouzia Boulmedais, auteure de l’étude. Dans le même temps, quand la molécule de catéchol est oxydée, elle devient de la quinone, qui réticule avec des protéines. » Le catéchol peut donc servir à coller les protéines aux métaux. En outre, il possède l’avantage de ne pas dénaturer les protéines et donc de garder intactes leurs activités.
L’intérêt est que cette liaison n’est pas automatique. Il faut une oxydation pour qu’un catéchol se lie à une protéine. Une oxydation apportée par une impulsion électrique et qui ainsi permet de localiser la réticulation de la protéine au niveau d’une seule électrode. La fonctionnalisation d’un réseau d’électrodes par différentes enzymes permettra de réaliser plusieurs tests biologiques avec un seul prélèvement. Un véritable biocapteur multiple ! Mais ce n’est pas la seule application envisagée par Fouzia Boulmedais. La molécule pourrait s’utiliser pour développer des biobatteries, des détecteurs sous-cutanés, ou encore pour la détection d’ions aluminium, en liant le catéchol à une enzyme qui perd son activité au contact de ce métal.

©Fouzia Boulmedais
Référence
El Maiss J., Cucarrese M., Maerten C., Lupattelli P., Chiummiento C., Funicello M., Schaaf P., Jierry L. et Boulmedais F.
Mussel-Inspired Electro-cross-linking of Enzymes for the Development of Biosensors
ACS Appl. Mater. Interfaces – Mai 2018
DOI: 10.1021/acsami.8b04764