Une céramique moléculaire commutable pour des dispositifs électroniques innovants

Résultats scientifiques

Des scientifiques du CNRS et de l'Université de Bordeaux viennent de réaliser une céramique fonctionnelle à base de molécules à conversion de spin. Cette mise en forme particulière, décrite dans la revue Materials Advances, permet d’envisager maintenant leur insertion dans des dispositifs micro-électroniques : mémoires, capteurs, commutateurs…

Les composants en céramique sont présents dans de nombreux dispositifs high-tech. Généralement à base d’oxydes métalliques, ils peuvent assurer des fonctions thermomécaniques ou être utilisés pour des applications à vocation électronique. On les retrouve dans des domaines comme l’aérospatiale, l'industrie automobile, l'optoélectronique… Contrairement aux liquides ou aux poudres, les céramiques sont faciles à obtenir dans une géométrie souhaitée, résistantes, et donc aisément insérables dans ces dispositifs.

En microélectronique, l’intérêt que suscitent les molécules dites à « conversion de spin » (SCO) ne cesse de croître au sein de la communauté scientifique. En effet, ces systèmes bistables qui présentent deux états électroniques, aux propriétés physiques différentes, peuvent passer de l’un à l’autre lorsqu’un stimuli extérieur (lumière, pression, température…) leur apporte l’énergie nécessaire. Les applications potentielles de ces systèmes dans des dispositifs électroniques sont nombreuses: mémoires, capteurs, actionneurs, commutateurs… Néanmoins, habituellement obtenues sous forme de poudre, l’insertion directe de ces molécules dans des dispositifs est difficilement envisageable car celles-ci sont peu maniables et difficiles à mettre en forme.

C’est pourquoi, des scientifiques de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux) ont eu l’idée de les élaborer sous forme de céramiques. Pas si simple, car les procédés de frittage* conventionnels à haute température sont inadaptés à ces matériaux thermiquement fragiles. Leur solution ? Utiliser une méthode appelée « Cool-SPS » (Spark Plasma Sintering ou frittage à basse température) leur permettant de produire, à basse température, des céramiques moléculaires de haute densité relative à base de complexes ferreux à conversion de spin. Les résultats montrent que le phénomène de commutation, présent à l’échelle moléculaire, est non seulement conservé à l’échelle macroscopique dans le matériau céramique mais également amélioré.

Cette nouvelle façon de mettre en forme des composés moléculaires fonctionnels permet d’envisager leur insertion dans des dispositifs électroniques traditionnels (mémoires, capteurs…) ou innovants (réfrigérants nouvelle génération…) En effet, le groupe « Molécules et matériaux commutables » explore maintenant la possibilité d’utiliser de telles céramiques afin d'exploiter les fortes variations d’entropie associées au changement d’état sous pression des matériaux SCO, pour des applications en réfrigération barocalorique**.

Rédacteur : CCdM

* Le frittage est un procédé de fabrication de pièces consistant à chauffer une poudre sans la mener jusqu'à la fusion pour obtenir des objets massifs et cohésifs.

** Les matériaux à effet barocalorique sont capables de produire un refroidissement lorsqu’ils sont soumis à une variation de pression.

Référence

Liza El-Khoury, Nathalie Daro, Guillaume Chastanet, Patrick Rosa, Dominique Denux, Laetitia Etienne, Vincent Mazel, Michael Josse & Mathieu Marchivie

Spin crossover molecular ceramics by Cool-SPS: consequences on switching features beyond microstructural effects

Materials Advances 2024

https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2024/ma/d3ma00688c

© Mathieu Marchivie

Contact

Mathieu Marchivie
Enseignant-chercheur à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
Michaël Josse
Enseignant-chercheur à l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
Communication CNRS Chimie