Une batterie de simulations pour Alejandro Franco

Entretiens Energie

Jamais en panne d’idées, Alejandro Franco navigue entre simulations et expérimentations pour améliorer les performances des batteries. Depuis le LRCS et dans le cadre d’une bourse du Conseil Européen de la Recherche (projet ERC Artistic), il élabore ainsi une plateforme pour simuler et tester en ligne les nombreuses étapes de leur fabrication.

À l’âge où on n’a pas encore le Brevet, certains en déposent déjà. Alejandro Franco avait seulement treize ans lorsqu’il a breveté sa première pile à hydrogène. Devenu professeur à l’Université de Picardie Jules Verne et membre du Laboratoire de Réactivité et Chimie des Solides (LRCS, CNRS/UPJV), il assouvit toujours sa passion pour les nouvelles énergies en étudiant de nombreux types de batteries : lithium-ion, lithium-soufre, lithium-air, à batteries à circulation…

Un chemin qui débute dans son Argentine natale, d’où Alejandro Franco a obtenu une bourse de l’ÉGIDE1 pour travailler une première année au CEA de Grenoble en 2001. Déjà séduit par la langue et le pays depuis un voyage scolaire au lycée, il saute sur l’occasion lorsque le CEA lui propose de prolonger l’aventure sous la forme d’une thèse sur la modélisation des piles à combustible, soutenue en 2005. Il a poursuivi cet axe de recherche à Grenoble jusqu’en 2013, date à laquelle il est devenu professeur à l’Université de Picardie Jules Verne et membre du LRCS.

Ses travaux ont pris un nouveau tournant avec l’obtention d’une très recherchée bourse du Conseil européen de la recherche (ERC) pour les jeunes chercheurs (Consolidator Grant), accompagnée d’un financement de deux millions d’euros. Le Réseau sur le Stockage électrochimique de l’Énergie (RS2E), qui regroupe dix-sept laboratoires mixtes CNRS/Université, soutient également les travaux d’Alejandro Franco.

Son projet, nommé Artistic2 , est une plateforme ouverte qui simule la fabrication de batteries lithium-ion. Du smartphone à la voiture électrique, ces batteries se sont en effet imposées dans un usage quotidien. Avec les chercheurs associés à ce projet, il tente de dépasser les méthodes d’apprentissage par l’échec, où l’on conçoit à l’aveugle en espérant faire mieux, afin d’améliorer quatre propriétés principales.

D’abord, la densité d’énergie, soit la quantité d’énergie stockée par unité de poids ou de volume, et ensuite la réduction du temps de recharge. « Ces deux éléments sont primordiaux pour les voitures électriques, précise Alejandro Franco, afin de les rendre plus compétitives avec les modèles à essence dont le plein se fait en quelques minutes au lieu de plusieurs heures. » La durabilité doit assurer de son côté un plus grand nombre de cycles de charge/décharge et, enfin, les chercheurs ne perdent pas la sécurité des yeux, en évitant les risques de surchauffe, voire d’explosion.

« Nous développons des outils de simulation capables de prédire l’influence des paramètres de fabrication, souligne Alejandro Franco. Nous voulons identifier la meilleure combinaison pour de meilleures électrodes. Or la conception de batterie lithium-ion demande plusieurs étapes, qui peuvent entrer en conflit. » Il mentionne ainsi que, par exemple, une forte pression appliquée sur une électrode de batterie peut améliorer sa conductivité électrique, mais réduit en retour la porosité nécessaire au transport des ions lithium dans l’électrolyte remplissant cette porosité. La simulation doit donc en tirer la meilleure solution.

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©Alejandro Franco

Six mois après le début de l’ERC, un site internet reporte déjà les premières avancées du projet. Ici, pas de secrets jalousement gardés : la communication est primordiale puisque la plateforme finale sera accessible à tous. « Nous insistons sur l’interface, car les utilisateurs pourront étudier les paramètres de fabrication tout en disposant d’outils de visualisation directement dans leur navigateur », s’enthousiasme Alejandro Franco.

Un tel souci de partage que les usagers n’auront même pas à télécharger de programme pour ces simulations gourmandes en ressources informatiques. Tout tournera à distance grâce à un supercalculateur. Malgré les promesses de cette simulation, Alejandro Franco n’est pas du genre à se reposer uniquement sur des outils théoriques. « Nous avons aussi une activité de fabrication expérimentale d’électrodes, afin de tester leurs performances électrochimiques réelles. »

Très attaché à la formation des prochains chercheurs, il conçoit également différents serious game pour les étudiants avec la société Reviatech, basée à Compiègne. « J’ai par exemple développé un logiciel de réalité virtuelle permettant de plonger à travers les électrodes composites. Les élèves de master appréhendent et visualisent ainsi mieux toute la complexité de ces matériaux. » De la simulation au réel, en passant par le virtuel, Alejandro Franco scrute les batteries sous toutes leurs facettes.

 

Ce portrait a été réalisé par Martin Koppe.

  • 1Organisme chargé de favoriser la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers vers la France, devenu Campus France en 2012.
  • 2Advanced and Reusable Theory for the In Silico-optimization of composite electrode fabrication processes for rechargeable battery Technologies with Innovative Chemistries.

Contact

Alejandro Franco
Chercheur (UMR7314 LRCS)
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC