Un procédé à base d’ultrasons pour éviter les catalyseurs métalliques

Résultats scientifiques

Une multitude de procédés chimiques industriels transforment les alcènes (hydrocarbures insaturés) en alcanes (hydrocarbures saturés) et nécessitent l’utilisation de catalyseurs, souvent à base de métaux précieux, et des réacteurs sous pression. Une équipe de chimistes du CNRS, en collaboration avec Solvay, propose un tout nouveau procédé qui permet de réaliser ces réactions dans des conditions plus douces à partir d’ammoniac activé par des ultrasons haute fréquence. Ce procédé innovant, qui se passe de catalyseurs métalliques, est décrit dans la revue Angewandte Chemie International Edition.

La transformation d’alcènes en alcanes par hydrogénation sélective de doubles liaisons carbone-carbone est l'une des réactions fondamentales pour la synthèse et la fabrication de produits chimiques en industrie. Les procédés actuels utilisent pour cela de l’hydrogène sous pression et souvent des catalyseurs à base de métaux rares comme le palladium, le platine ou le ruthénium. Dans le contexte actuel où l’ammoniac NH3 est à présent considéré comme le futur vecteur d’hydrogène, un nouveau défi sociétal majeur serait de réaliser des réactions d’hydrogénation directement au départ d’ammoniac et dans des conditions douces, plutôt que de passer par l’étape de formation et utilisation d’hydrogène. Cependant, l’utilisation de l’ammoniac dans les réactions d’hydrogénation nécessite de surmonter des verrous scientifiques importants, notamment l’activation de la liaison N-H qui est très robuste. Cette liaison N-H est très souvent activée par des catalyseurs, mais elle nécessite des conditions sévères de pression et de température peu compatibles avec la stabilité des alcènes à réduire.

Dans ce contexte, une équipe de chimistes de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers), de l’Institut de chimie séparative de Marcoule (CNRS/CEA/Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Montpellier) et du laboratoire international de recherche Eco-Efficient Products &Processes Laboratory (CNRS/Rhodia Operations) a récemment proposé de substituer cette activation catalytique de l’ammoniac par une activation ultrasonore à haute fréquence. Lors de l’irradiation ultrasonore d’une solution aqueuse d’ammoniac, des bulles de cavitation se forment. Ces bulles, où règnent des conditions de pression et de température très élevées (> 5000 K, >100 bar), agissent comme des microréacteurs pour l’activation du NH3. En présence d’un alcène comme le n-octène, cette activation in situ initie l’hydrogénation des doubles liaisons dans l'eau, avec comme seul co-produit de l’azote. Si, à l’intérieur des bulles, il existe des conditions extrêmes de température et de pression, le milieu réactionnel peut quant à lui être maintenu proche de l’ambiante ce qui évite la dégradation des alcènes.

Par rapport aux procédés classiques, cette technologie permet de réaliser l’hydrogénation des alcènes en alcanes en l’absence de catalyseur et d’hydrogène, le tout « simplement » en utilisant de l’ammoniac et une onde ultrasonore. Avec le dégagement de N2 comme seul coproduit, ce sont les avantages notables de ce procédé récemment décrit dans la revue Angewandte Chemie International Edition.

Rédacteur: AVR

Un nouveau procédé qui utilise les ultrasons permet l’hydrogénation d’alcènes en alcanes à température ambiante et sans catalyseurs en partant de l’ammoniac et avec comme seul co-produit de l’azote. © François Jérôme

Référence

Sonochemically-Induced Reduction of Alkenes to Alkanes with Ammonnia

Anaelle Humblot, Tony Chave, Prince N. Amaniampong, Stéphane Streiff, François Jérôme, Angewandte Chemie International Edition, 21 octobre 2022.

https://doi.org/10.1002/anie.202212719

Contact

François Jérôme
Chercheur à l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS