Un pas vers une cellule artificielle

Résultats scientifiques Vivant et santé

Des chercheurs du Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux) et de l’Institut Max Planck pour la dynamique des systèmes techniques complexes sont parvenus à intégrer une fonction métabolique rudimentaire dans des gouttelettes d’eau microscopiques. Ces premiers précurseurs de cellules artificielles pourraient permettre de mieux comprendre comment fonctionnent les cellules réelles, et comment les premières cellules vivantes ont émergé sur Terre. Ces travaux sont publiés dans Nature Communications.

Créer des cellules dans une éprouvette permettrait de répondre à certaines grandes questions en biologie : quel est le minimum dont une cellule a besoin pour vivre ? comment la vie sur Terre a-t-elle commencé ? Des chercheurs du Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux), en collaboration avec l’Institut Max Planck pour la dynamique des systèmes techniques complexes à Magdebourg, présentent les précurseurs d’une cellule artificielle : de microscopiques gouttelettes d’eau intégrant une réaction chimique et un approvisionnement énergétique.

Les processus biochimiques qui se produisent au sein d’une cellule, appelés « métabolisme » ou « fonction métabolique », permettent aux organismes vivants de gagner de l’énergie et d’accumuler ou de décomposer des substances, c’est-à-dire de vivre. Lors d’une expérience de biologie synthétique utilisant la microfluidique, les scientifiques ont réussi à intégrer la forme simple d’une fonction métabolique dans des gouttelettes d’eau microscopiques, formées dans de l’huile. Ces gouttelettes ont servi de petites unités séparées de leur environnement, similaires aux cellules qui sont séparés de leur milieu par une membrane.

La fonction métabolique modèle a été créée étape par étape à partir de composants moléculaires et d’organelles cellulaires. Une approche « bottom-up » alternative pour les biologistes synthétiques, qui partent habituellement d’un organisme réel, qu’ils modifient à l’aide de méthodes de génie génétique pour lui donner de nouvelles fonctions et propriétés. Mais pour comprendre quelles fonctionnalités sont nécessaires et suffisantes à la création de la vie, il faut concevoir un système minimal. Celui conçu par les scientifiques comprend ainsi une paroi, des nutriments et la réaction chimique qui permet de transformer ces nutriments en énergie et inversement.

Ces systèmes minimaux sont des modèles à partir desquels des systèmes plus complexes, plus proches de véritables cellules, pourront être développés. Les fonctionnalités à venir pourraient comprendre par exemple la capacité à se reproduire ou un mécanisme pour stocker leur conception structurale.

Toutefois, même sans ces caractéristiques, ces systèmes artificiels pourraient se comporter de façon similaire aux systèmes biologiques. Par exemple, les gouttelettes peuvent être produites avec des « aptitudes » (capacité à utiliser les nutriments de l’environnement, par exemple) inégales. Ainsi, comme chez les cellules réelles, les cellules artificielles pourraient entrer en concurrence pour les ressources, se comportant alors tout à fait conformément à la théorie de Darwin.

 

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À gauche : Principe du métabolisme minimal basé sur la compartimentation d’une réaction enzymatique avec un module de régénération des cofacteurs impliqués. À droite : réalisation expérimentale sur une assemblée de gouttes préparées en microfluidique : l’intensité de couleur bleue correspond à différentes concentrations de NADH. Les différentes gouttes se comportent différemment en fonction de leur composition initiale.

©Jean-Christophe Baret, CREATIVE COMMON LICENCE (image adaptée à partir de Beneyton et al. Nature Communications, 2018)

 

 

 

Référence

T. Beneyton, D. Krafft, C. Bednarz, C. Kleineberg, C. Woelfer, I. Ivanov, T. Vidakovic-Koch, K. Sundmacher et J.-C. Baret
Out-of-equilibrium microcompartments for the bottom-up integration of metabolic functions
Nature Communications – Juin 2018
DOI : 10.1038/s41467-018-04825-1

Contact

Jean-Christophe Baret
CNRS-UMR5031, Centre de Recherche Paul Pascal
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC