Un millefeuille nanométrique pour un stockage 3D de l’information

Résultats scientifiques Polymères Information et communication

La plupart des supports de stockage de données conservent l’information en deux dimensions, comme c’est le cas pour un disque dur ou un CD. Afin d’explorer de nouvelles possibilités, des équipes de l’Institut Charles Sadron (CNRS) ont mis au point un stockage d’information numérique en trois dimensions. Leur système utilise des polymères codés, inspirés par l’ADN. Publiés dans Angewandte Chemie International Edition, ces travaux ont permis d’inscrire 160 caractères numériques sur une épaisseur de seulement 70 nanomètres.

Du disque vinyle à l’imprimerie, l’information est généralement fixée sur des substrats et des supports plans, c’est-à-dire en deux dimensions. Un stockage en trois dimensions permettrait d’augmenter considérablement les densités de stockage et d’ouvrir de nouvelles pistes technologiques. Des chercheurs de l’Institut Charles Sadron (CNRS) de Strasbourg ont franchi ce pas grâce au procédé de dépôt couche par couche de polyélectrolytes, une méthode de formation de films nanométriques déjà bien maîtrisée et robotisée. Dans cette approche, des polymères possédant une charge électrique positive ou négative sont déposés successivement pour former un film multicouche.

« La chimie crée son objet. Cette faculté créatrice, semblable à celle de l’art lui-même, la distingue essentiellement des sciences naturelles et historiques. »
Marcellin Berthelot

Les polyélectrolytes utilisés dans ce travail ont été codés à l’aide de deux monomères différents, représentant 1 ou 0. Ces macromolécules contiennent des séquences parfaitement définies de monomères dans lesquelles un message binaire peut être inscrit. Ce processus s’inspire des séquences génétiques stockées dans des chaînes d’ADN. Seize polymères codés ont ainsi été préparés, recevant chacun une fraction d’une citation de 160 caractères du chimiste français Marcellin Berthelot. Le dépôt couche par couche permet d’empiler les polymères dans un ordre désiré, mais aussi de les confiner dans des strates bien précises grâce à des molécules non-codées agissant comme un mortier. La lecture de ces multicouches codées n’a pas encore été décrite. Toutefois, les chercheurs étudient déjà des méthodes de spectrométrie de masse qui permettraient de lire ces matériaux strate par strate.

Références

R. Szweda, M. Tschopp, O. Felix, G. Decher, J.-F. Lutz
Sequences of Sequences: Spatial Organization of Coded Matter through Layer-by-layer Assembly of Digital Polymers
Angewandte Chemie International Edition – Octobre 2018
DOI: 10.1002/anie.201810559

Contact

Jean-François Lutz
Chercheur à l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (CNRS/Université de Strasbourg)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC