Un intermédiaire rarissime dévoile les secrets de la catalyse à base de bore

Résultats scientifiques

La catalyse d’hydroboration, qui repose sur des molécules contenant du bore et des métaux de transition, se produit selon un enchaînement de réactions que l’on pensait bien connu. Des chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg (IC, CNRS/Université de Strasbourg), des universités chinoises du Zhejiang et de Westlake (Chine) et de l’université de Zurich (Suisse) ont découvert l’existence d’un intermédiaire chimique qui ne peut apparaître qu’avec un autre déroulé, qui implique des structures électroniques différentes. Publiés dans le Journal of the American Chemical Society, ces travaux pourraient aboutir à la conception de catalyseurs plus performants.

La catalyse d’hydroboration par des complexes de métaux de transition, tels que l’iridium, permet de créer des liaisons recherchées en chimie organique, comme les liaisons carbone-carbone, grâce à l’activation d’une liaison bore-hydrogène. Cette méthode est notamment prisée par l’industrie pharmaceutique, car elle se substitue à des catalyseurs plus difficiles à manipuler et à stocker. L’hydroboration a d’ailleurs valu à son inventeur, Herbert C. Brown, de recevoir le prix Nobel de chimie en 1979. Le déroulé de la catalyse d’hydroboration reste cependant mal compris. Il est généralement admis qu’elle passe par une addition oxydante, où une liaison hydrogène-bore se rompt en deux fragments conservant chacun un électron. Des chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg (IC, CNRS/Université de Strasbourg), des universités chinoises du Zhejiang et de Westlake et de l’université de Zurich (Suisse) ont prouvé que la catalyse d’hydroboration pouvait également se dérouler grâce à un transfert d’hydrure. Cela ne change pas la composition chimique des produits obtenus, mais montre que leurs structures électroniques sont plus variées que ce qui était accepté jusque-là.

Pour y parvenir, les chimistes ont mis en évidence la formation, lors d’une réaction en présence d’un complexe d’iridium et d’un cation de bore appelé borénium, d’un intermédiaire réactionnel qui n’est pas détectable par les méthodes cristallographiques typiquement utilisées dans ce genre de travaux. À la place, les chercheurs ont combiné des études théoriques avec des techniques de résonnance magnétique nucléaire, de diffraction des rayons X et de spectrométrie photoélectronique X. Ils ont ainsi également montré l’existence d’une liaison entre le borénium et un métal de transition, ici de l’iridium, ce qui n’avait encore jamais été isolé et formellement caractérisé. Cette meilleure compréhension de la catalyse d’hydroboration pourrait aboutir à la synthèse de catalyseurs plus stables et performants. Ces travaux ont aussi permis d’établir une méthodologie efficace pour étudier ces questions.

Le complexe final de borénium, avec la liaison bore-hydrogène qui permet l’existence de la liaison bore-iridium. © Jean-Pierre Djukic

Référence

An Iridium-Stabilized Borenium Intermediate

Mustapha Hamdaoui, Fan Liu, Yann Cornaton, Xingyu Lu, Xiaohuo Shi, Jiyong Liu, Bernhard Spingler, Jean-Pierre Djukic, Simon Duttwyler, J. Am. Chem. Soc. 2022.

https://doi.org/10.1021/jacs.2c06298

Contact

Jean-Pierre Djukic
Chercheur au Laboratoire de chimie et systémique organométalliques de l’Institut de chimie de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS