Un ingrédient clé de la chimie industrielle des polyoléfines enfin compris
Après des décennies de mystère, une équipe de scientifiques révèle enfin la structure intime du MAO, un composant clé de la synthèse industrielle des polyoléfines, qui forment la plus importante famille de matières plastiques. Grâce à une spectroscopie de pointe par résonance magnétique nucléaire (RMN) couplée à des calculs quantiques, cette "boîte noire" de la catalyse s’ouvre enfin à la science.
Matériaux plastiques légers, polyvalents, résistants et peu coûteux, les polyoléfines représentent la famille de polymères la plus produite au monde, principalement sous forme de polyéthylène (PE) et de polypropylène (PP). Leur production industrielle repose sur des procédés catalytiques associant des métaux de transition à des activateurs à base d’aluminium comportant des liaisons aluminium-carbone, comme le méthylaluminoxane (MAO). Découvert fortuitement dans les années 1970, ce co-catalyseur a permis l’émergence de systèmes catalytiques qui ont révolutionné ce secteur des matériaux plastiques. Et pourtant, jusqu’ici, sa structure exacte et l’origine de son efficacité restaient un casse-tête non résolu. Composé d’agrégats d’aluminium complexes, instables et très réactifs, le MAO échappait aux outils d’analyse traditionnels.
Une équipe franco-américaine de scientifiques1 vient enfin de percer le mystère grâce à une approche combinant deux technologies de pointe : la résonance magnétique nucléaire (RMN) à très haut champ magnétique du noyau 27Al (isotope stable de l’aluminium) grâce au spectromètre 1.2 GHz de l’Infrastructure de recherche INFRANALYTICS et des calculs de chimie quantique (DFT). En étudiant un MAO à l’état solide, les chercheurs ont pu identifier cinq types distincts de centres d’aluminium dans sa structure. Deux d’entre eux apparaissent comme les sites les plus réactifs, notamment ceux capables d’interagir avec des molécules comme le THF (solvant) ou un précatalyseur de type zirconocène. Ces découvertes donnent enfin un visage au comportement chimique du MAO.
Mais l’étude va plus loin : les scientifiques ont pu suivre les transformations moléculaires impliquées dans l’activation catalytique par le MAO. Ils ont mis en évidence des réactions précises, comme la formation de sites précurseurs de cations [AlMe₂]+, cruciaux dans le déclenchement de la polymérisation. Le spectre RMN, combiné aux calculs, permet même d’identifier les liaisons entre le MAO et le métal du catalyseur, révélant un jeu subtil d’échanges de groupes méthyle.
Ces résultats permettent de confirmer des hypothèses théoriques anciennes jamais vérifiées sur cette recette industrielle de synthèse des polyoléfines. Ils ouvrent surtout la voie à une conception rationnelle de nouveaux co-catalyseurs plus efficaces ou plus sélectifs. Une meilleure compréhension du MAO pourrait ainsi permettre d’optimiser les procédés de production de ces plastiques incontournables en réduisant leurs coûts énergétiques et environnementaux. Après 40 ans d'ombre, le MAO sort enfin de sa coquille moléculaire. Cette étude est à retrouver dans la revue Angewandte Chemie International Edition.
Rédacteur : AVR
- 1De l’Institut de recherche Chimie Paris (CNRS/CHIMIE PARISTECH – PSL), de l’Unité de catalyse et de chimie du solide (CNRS/CENTRALE LILLE INSTITUT/UNIV ARTOIS/UNIV LILLE UCCS) du laboratoire Catalyse, polymérisation, procédés et matériaux (CNRS/UNIV LYON 1/CPE LYON) et de la State University of New York, Buffalo
Référence
Evidence for Methylaluminoxane (MAO) Molecular Structure and Reactivity from Ultrahigh Magnetic Field 27Al MAS NMR Spectroscopy Combined with DFT Calculations
Kai C. Szeto, Mostafa Taoufik, Franck Fayon, David Gajan, Eva Zurek, Jochen Autschbach, Julien Trébosc, Laurent Delevoye & Régis Michaël Gauvin
ACIE 2025
https://doi.org/10.1002/anie.202508409