Trois questions à Boris Eyheraguibel sur ses analyses de nanoplastiques dans l’atmosphère

Entretiens

Boris Eyheraguibel a contribué à l’élaboration d’un prototype pour analyser les nanoplastiques présents dans l’atmosphère, dans le cadre de l’expédition scientifique 7e Continent qui étudie la pollution plastique des océans. Un travail qui a aussi mis sur le pont une partie de son équipe de l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand (ICCF, CNRS/Université Clermont-Auvergne/SIGMA Clermont).

Quelle est votre implication dans les expéditions 7e Continent ?

Je suis spécialiste de la biodégradation et de l’identification des plastiques à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand. Avec mon collègue Pierre Amato, expert en microbiologie des nuages, et la société Calnesis, nous avons développé un échantillonneur atmosphérique afin d’étudier la présence de microplastiques dans l’air marin. Notre prototype aspire fortement l’air et piège les particules dans une cuve inox contenant de l’eau, et est adapté à un usage sur le terrain, ici en haute mer en Méditerranée.

Nous avons monté le projet dans le cadre de la dernière mission de l’expédition 7e Continent, avec Alexandra Ter Halle, chercheuse au laboratoire Interactions Moléculaires et Réactivité Chimique et Photochimique (IMRCP, CNRS/Université Toulouse Sabatier) et responsable scientifique de l’expédition 7e Continent.

 

Que sait-on de la présence et des effets des nanoplastiques dans l’atmosphère ?

Dans l’environnement, les déchets plastiques sont soumis aux éléments et sont fragmentés en micro et nanoplastiques. Dès lors, ils peuvent être aérosolisés, c’est-à-dire se retrouver en suspension dans l’air.

La présence de particules de plastique dans l’atmosphère n’est étudiée que depuis très peu de temps. Quelques rares publications ont montré la présence de tels plastiques dans l’air urbain et leur transport jusque dans les milieux naturels reculés. Cette poignée de travaux a été réalisée en analysant les poussières atmosphériques déposées passivement à la surface, et dans les précipitations. Cette approche permet de mesurer des flux de dépôt, mais pas d’estimer la concentration en particules de plastiques effectivement en suspension dans l’air.

Pour cela, notre prototype déployé en mer pompe de grands volumes d’air en une période de temps limité, afin de compenser la probable faible concentration en particules de plastique dans l’air dans cet environnement. D’importantes précautions ont été prises pour contrôler les contaminations éventuelles.

Quant à l’impact des nanoplastiques atmosphériques, les chercheurs ont cependant besoin de davantage de connaissances en amont avant d’estimer la toxicité, en particulier savoir quelles sont les concentrations réelles dans l’environnement.

 

Quelles sont les spécificités des mesures que votre prototype peut effectuer en mer ?

Les transferts de polluants entre la terre, un fleuve, la mer et l’atmosphère sont encore très mal compris. En milieu marin, l’écrasante majorité des études sur les plastiques se limitent à la surface de l’eau. Notre expédition a échantillonné l’eau jusqu’à 150 mètres de profondeur. Avec notre prototype capable d’aspirer rapidement de grandes quantités d’air, nous allons être pour la première fois en mesure de coupler les données de la mer et de l’air en un même point géographique. Or nous avons absolument besoin de ce type de couplage pour appréhender le devenir des microplastiques dans l’environnement.

Le prototype à bord du navire de 7e Continent. © Boris Eyheraguibel et Pierre Amato

Contact

Boris Eyheraguibel
l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS