La RMN à l’état solide avec rotation ultra-rapide à 160 kHz permet une qualité spectrale inédite pour les études détectées sur les protons de systèmes biomoléculaires © Guido Pintacuda (CRMN)

RMN par rotation ultra-rapide : vers une analyse fine des protéines complexes

Résultats scientifiques

Grâce à une avancée technologique majeure en résonance magnétique nucléaire en phase solide, des scientifiques repoussent les limites de l’analyse des biomolécules complexes. L’arrivée d’un équipement capable d’atteindre des vitesses de rotation d’échantillon record à 160 kilohertz ouvre la voie à une caractérisation plus fine et plus sensible de protéines, même en quantités infimes. Une innovation qui marque un tournant en biologie structurale.

La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) en phase solide est un outil puissant pour décrypter les propriétés des solides à l’échelle atomique. Ces dernières années, elle a trouvé des applications majeures en biologie structurale, permettant d’élucider l’architecture tridimensionnelle de protéines cristallines, d’enzymes agrégées sous forme de fibrilles amyloïdes ou encore de protéines membranaires insérées dans leur environnement lipidique natif.

Une des percées techniques clés ayant rendu cela possible est la rotation à l’angle magique, une méthode qui consiste à tourner l’échantillon selon un angle précis par rapport au champ magnétique, afin de réduire les largeurs de raie et améliorer la résolution spectrale. Depuis une vingtaine d’années, la miniaturisation progressive des rotors MAS, et donc l’augmentation des vitesses de rotation, a permis de franchir des seuils critiques en sensibilité et résolution, transformant la capacité de la RMN à explorer des systèmes biologiques complexes.

Dans ce contexte, l’introduction d’un rotor atteignant une vitesse record de 160 kHz une avancée majeure. Les scientifiques du Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon), en collaboration avec le LISM de Aix-Marseille Université (UMR 7255), l’Université de Delaware et Bruker Biospin, viennent d’obtenir leurs premiers résultats avec une sonde RMN capable d’opérer à cette fréquence inédite. Les résultats, obtenus sur la protéine globulaire modèle GB1 et la protéine membranaire Aquaporin Z révèlent des gains spectaculaires en matière de résolution et de sensibilité, y compris avec de quantités d’échantillon inférieures au milligramme. Performances qui reposent sur une serie d’avancées techniques majeures apportées dans la miniaturisation des rotors, contrôle thermique précis et et nouvelles stratégies de manipulation des échantillons.

Ces travaux, publiés dans le Journal of the American Chemical Society, demontrent qu’il est désormais possible de caractériser de biomolécules complexes par RMN solide avec une précision inégalée et à partir de quantités infimes de matière, en particulier dans les cas où d'autres méthodes structurelles sont limitées. Ils ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude détaillée d’interactions protéine-protéine ou protéine-lipide, et à la compréhension fine des dynamiques moléculaires qui sous-tendent les fonctions biologiques des protéines membranaires. 

Rédacteur : CCdM

Référence

Zhiyu Sun, Claire Ollier, Adrienn Rancz, Batiste Thienpont, Kristof Grohe, Lukas Becker, Armin Purea, Frank Engelke, Sebastian Wegner, James Sturgis, Tatyana Polenova, Tanguy Le Marchand & Guido Pintacuda 
Pushing the Boundaries of Resolution in Solid-State Nuclear Magnetic Resonance of Biomolecules with 160 kHz Magic-Angle Spinning 
J. Am. Chem. Soc. 2025
https://doi.org/10.1021/jacs.5c02466

Contact

Guido Pintacuda
Chercheur au Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard)
Communication CNRS Chimie