Réactions géochimiques dans le pergélisol : une source de fer pour les écosystèmes
Le pergélisol, composé de minéraux, de glace, et de matière organique, libère lors de sa fonte saisonnière des ions métalliques essentiels pour les écosystèmes aquatiques. Des scientifiques suédois et français mettent en évidence le rôle de la glace comme réacteur géochimique, montrant comment les paramètres physico-chimiques et les cycles de gel-dégel influencent la dissolution des minéraux et la disponibilité du fer soluble dans ces environnements gelés.
Le pergélisol est un mélange de minéraux, glace, matière organique, eau et gaz, piégés dans un état gelé sur de très longues périodes. Seule la couche supérieure subit les variations climatiques et connaît chaque été une période de dégel. Lors de ces périodes de fonte, des ions métalliques solvatés sont libérés, en particulier des ions fer qui constituent des nutriments indispensables dans les rivières, les lacs et plus généralement tous les écosystèmes humides à l’échelle planétaire. Identifier les paramètres chimiques qui contrôlent la dissolution des minéraux dans ce milieu glacé permettrait de mieux comprendre, voire de prédire comment les cycles de gel-dégel régissent la présence d’ions métalliques issus des minéraux dans les bassins versants naturels qui canalisent les précipitations et la fonte des glaces vers les cours avant d’arriver aux océans.
Des scientifiques du département de chimie de l’université d’Umeå (Suède) et de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS / Université de Rennes 1 / ENSC Rennes / INSA Rennes) se sont ainsi intéressés au rôle de la glace dans la production de fer soluble. Ils sont parvenus à montrer comment la température de congélation, la salinité, la composition de la matière organique et les cycles de gel-dégel influencent la dissolution de nanoparticules d’oxyhydroxyde de fer (α-FeOOH) par l’oxalate, un composé organique de faible masse moléculaire présent dans le milieu naturel qui va s’associer aux ions fer pour les solubiliser.
À partir d'expériences de spectroscopie RAMAN résolues en temps menées sur des périodes longues (jusqu’à 4 jours), les scientifiques montrent que le fer soluble est libéré par des réactions dans de minuscules volumes d'eau liquide piégés entre des micrograins de glace. Localement, c’est la présence simultanée et la concentration par congélation, dans cette eau liquide, des nanoparticules de fer, des oxalates et des protons, qui favorise les réactions de dissolution à des températures aussi basses que -30 °C. Dans ce milieu qui contient un mélange de glace et d’eau, il est ainsi possible de dissoudre plus de fer que dans l'eau liquide à 4 °C. De plus, des cycles successifs de gel-dégel favorisent encore la dissolution en libérant à chaque fois une nouvelle quantité d’oxalate resté emprisonné dans la glace susceptible de réagir avec les nanoparticules d’oxyde pour solubiliser les ions fer.
Ces résultats, à retrouver dans la revue PNAS, montrent que la glace agit comme un fascinant réacteur géochimique. Les interactions minérales-organiques dans les environnements gelés comme le pergélisol sont cruciales pour expliquer le flux de fer soluble lors des événements de fonte. Des informations précieuses pour comprendre, voire prédire, comment les cycles de gel-dégel amplifiés par le changement climatique vont conditionner la présence fer dans les bassins versants naturels.
Rédacteur : CCdM
Référence
Ice as a kinetic and mechanistic driver of oxalate-promoted iron oxyhydroxide dissolution
Angelo P. Sebaaly, Frank van Rijn, Khalil Hanna & Jean-François Boily
PNAS, 2025, 122 (35), e2507588122
https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2507588122