Pollution aquatique : explorer la piste du lipidome chez les crustacés d’eau douce

Résultats scientifiques

Le lipidome constitue l’ensemble des lipides d’un organisme vivant. Son analyse chez les gammares, espèce sentinelle bio-indicatrice de la pollution des écosystèmes aquatiques, permet de mieux comprendre les mécanismes de toxicité induits par les polluants. En analysant le lipidome chez le crustacé Gammarus fossarum, des chercheurs de l’Université Claude Bernard Lyon 1, de l’INRAE et du CNRS, en collaboration avec l’Institut Max Planck de Dresde, ont pour la première fois localisé et identifié des lipides sulfatés chez ce crustacé d’eau douce. Ces résultats, publiés dans la revue iScience, ouvrent la voie à une meilleure compréhension de l’impact des polluants sur les milieux aquatiques.

Les espèces sentinelles jouent un rôle indispensable dans la surveillance de la pollution de l'environnement dans les écosystèmes aquatiques. Or, de nombreux polluants présents dans l'eau s'avèrent être des perturbateurs endocriniens. Ils peuvent modifier l’homéostasie lipidique - l'équilibre de la composition des lipides dans les cellules - chez les espèces aquatiques comme le gammare (Gammarus fossarum), une famille de crustacés considérée comme un bon bio-indicateur de la qualité de l’eau. Une caractérisation exhaustive de l’ensemble des lipides, ainsi que de leurs distributions spatiales, chez ces espèces est essentielle pour comprendre les mécanismes de toxicité induits par les polluants. Dans ce but, des scientifiques de l’Institut des sciences analytiques (ISA – Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS) et de l’INRAe, en collaboration avec l’Institut de chimie des substances naturelles (ICSN – Université Paris-Saclay/CNRS), le Laboratoire de biogenèse membranaire (LBM – Université de Bordeaux/CNRS) et l’Institut Max Planck de Dresde, ont identifié et quantifié de manière précise le lipidome chez le crustacé d’eau douce Gammarus fossarum.

A l’aide de techniques de pointe comme la lipidomique à haut débit par approche Shotgun et l’imagerie multimodale par spectrométrie de masse, les chercheuses et chercheurs ont localisé et identifié des lipides sulfatés jamais décrits chez Gammarus fossarum et dont la fonction demeure inconnue. Les résultats obtenus approfondissent ainsi la compréhension des changements biochimiques au cours du développement chez Gammarus fossarum. Ils pourraient servir de référence pour de futures études écotoxicologiques. Cette recherche, financée par l’Agence nationale de la recherche et l’Institut de chimie de Lyon, ouvre la voie à une meilleure compréhension de l’homéostasie lipidique chez le crustacé d’eau douce Gammarus fossarum et des bouleversements métaboliques qui peuvent avoir lieu lors des cycles de mue/reproduction après exposition à des contaminants.

© Sophie Ayciriex

Référence

Shotgun lipidomics and mass spectrometry imaging unveil diversity and dynamics in lipid composition in Gammarus fossarum Tingting Fu, Oskar Knittelfelder, Olivier Geffard, Yohann Clément, Eric Testet, Nicolas Elie, David Touboul, Khedidja Abbaci, Andrej Shevchenko, Jérôme Lemoine, Arnaud Chaumot, Arnaud Salvador, Davide Degli-Esposti, Sophie Ayciriex iScience, pre-proof, (2021)

https://doi.org/10.1016/j.isci.2021.102115

 

 

Contact

Sophie Ayciriex
Maîtresse de conférences à l'Universite Claude Bernard Lyon 1 et chercheuse à l'Institut des sciences analytiques (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1)
Matthieu Martin
Rédacteur scientifique, DRED, Université Claude Bernard Lyon
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS