Mission Rosetta : douze molécules organiques clairement identifiées grâce aux données revisitées

Résultats scientifiques

En 2014, la mission spatiale européenne Rosetta a placé son atterrisseur Philae à la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko pour analyser les propriétés de surface et la composition chimique du noyau de la comète. L’objectif ambitieux de cette mission était de déchiffrer les origines chimiques de la vie. Malgré un atterrissage non nominal, de précieuses données ont pu être collectées pendant un temps très court. Elles ont été revisitées par des chimistes de l’Institut de chimie de Nice (CNRS/Université Côte d’Azur) qui dévoilent dans Angewandte Chemie International Edition les douze molécules organiques clairement identifiées à ce jour dans la matière cométaire analysée.

Les comètes sont des corps célestes formés par l’agrégation de poussières interstellaires recouvertes de glace et qui renferment de la matière primitive remontant à l'époque de la formation du Soleil et de ses planètes. En étudiant le gaz, la poussière et la structure du noyau de la comète via des observations à distance et des analyses in situ, la mission Rosetta de l’Agence spatiale européenne ESA visait à révéler l'histoire et l'évolution de notre système solaire. Le 12 novembre 2014, son atterrisseur Philae fait son atterrissage sur la comète. Malheureusement, cet atterrissage fut non-nominal, ce qui, dans le vocabulaire spatial, signifie que la manœuvre n’a pas fonctionné comme prévu. En effet, Philae a rebondi plusieurs fois à la surface très peu dense de la comète avant de s’immobiliser, couché sur son flan dans une zone ombragée, sans pouvoir recharger ses batteries à l’aide des panneaux solaires décorant sa surface. Les 2 harpons à l’aide desquels Philae aurait dû s’ancrer dans la matière cométaire pour ensuite la sonder par forage sont restés dans le vide cométaire.

L'instrument d'échantillonnage et de composition cométaire COSAC, qui était l'un des instruments majeurs à bord de Philae, a pourtant fonctionné correctement et enregistré des précieuses données pendant un temps relativement court avant l’épuisement des batteries. Bien qu’aucun forage massif, dont on espérait un prélèvement substantiel de quelques centaines de grammes, n’a pu être fait, des traces de molécules organiques soulevées et entraînées par les rebondissements successifs de l’atterrisseur sur la comète très peu dense (environ 2 fois moins que l’eau) ont en effet pu être analysées. La première analyse du spectre de masse enregistré par COSAC a été effectuée manuellement en 2015 et avait révélé à l’époque la présence de 16 molécules.*

Une nouvelle analyse approfondie des données brutes vient d’être réalisée à l'Institut de Chimie de Nice (CNRS/Université Côte d'Azur) en remplaçant l'ancienne méthode manuelle de 2015 par une méthode originale d'inversion de Monte-Carlo. Les résultats obtenus permettent à présent l'identification sans équivoque de 12 molécules organiques du noyau de la comète, dont 3 qui n’avaient pas été vues en 2015 : le méthoxyéthane, le 2-méthoxypropane et le cyclopentanol. Cela vient également confirmer la détection des 9 autres molécules, déjà présentes dans l’analyse originelle de ces données : l’eau, le méthane, le cyanure d’hydrogène, le monoxyde de carbone, la méthylamine, l’acétaldéhyde, le formamide, l’acétone et l’éthylène glycol.

Qui plus est, une analyse minutieuse du seul et unique chromatogramme en phase gazeuse enregistré par Philae corrobore la présence d’éthylène glycol en quantités non négligeables dans le noyau cométaire. De quoi attiser la curiosité des nombreux scientifiques qui tentent d’élucider les origines de la vie et la formation des acides aminés et des sucres, briques de base du vivant! Ces découvertes sont à retrouver en accès ouvert dans les revues Angewandte Chemie International Edition et ChemPlusChem.

* : Goesmann et al., Science 2015, 349, aab0689, Organic compounds on comet 67P/Churyumov-Gerasimenko revealed by COSAC mass spectrometry (science.org)

Une nouvelle analyse des données enregistrées par l'appareil d'analyse COSAC à bord de l'atterrisseur Philae permettent de clairement identifier 12 molécules organiques présentes dans les couches externes de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko © ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team PS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA.

Références

ESA's Cometary Mission Rosetta—Re-Characterization of the COSAC Mass Spectrometry ResultsLeseigneur et al., Angew. Chem. Int. Ed. 23 avril 2022.

https ://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.202201925

COSAC's Only Gas Chromatogram Taken on Comet 67P/Churyumov-GerasimenkoLeseigneur et al., ChemPlusChem 5 mai 2022.

https://chemistry-europe.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/cplu.202200116

Contact

Guillaume Leseigneur
Chercheur à l'Institut de chimie de Nice (CNRS/Université Côte d'Azur)
Uwe Meierhenrich
Enseignant chercheur à l’Institut de chimie de Nice (CNRS/Université Côte d’Azur)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS