Microbatteries tout-solide : l’exceptionnelle conductivité de leurs électrolytes enfin comprise

Résultats scientifiques

Les microbatteries tout-solide au lithium sont des dispositifs de stockage d’énergie miniaturisés indispensables à la réalisation de petits objets électroniques autonomes (microcapteurs, MEMS). Leur développement dans les années 90 a été rendu possible grâce à l’exceptionnelle conductivité ionique de couches minces de phosphate de lithium amorphe utilisées comme électrolyte. Trente ans plus tard, des chercheurs du CNRS et du CEA expliquent l'origine de cette conductivité.

Les phosphates de lithium nitrurés (LiPON) sont des solides amorphes dotés d’une très grande conductivité ionique. Dans les année 1990, ils ont permis le développement des microbatteries tout-solide au lithium dans lesquelles ils sont utilisés en couches minces comme électrolytes solides. Ces microsources d’énergie sont désormais déployées dans de nombreuses applications comme les capteurs biomédicaux, les objets connectés et en microélectronique (MEMS). Les couches minces de LiPON sont synthétisées par pulvérisation cathodique* à partir d’une cible cristalline de phosphate de lithium Li3PO4. Cette technique permet d’arracher des particules à la cible et déposer sur un substrat une couche mince amorphe de LiPO (a-LiPO). Cette couche présente une conductivité ionique supérieure de 15 ordres de grandeur à celle de la cible. Cette conductivité peut encore être augmentée d’un facteur dix en incorporant de l’azote au sein du matériau amorphe lors du dépôt du film sous atmosphère d’azote pur (a-LiPON).

Malgré l’intérêt porté depuis une trentaine d’années à ces matériaux, l’origine de ces gains exceptionnels de conductivité ionique reste floue. Des chercheurs de l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux), de l'Unité de catalyse et de chimie du solide et de l’Institut Michel Eugène Chevreul (CNRS/Centrale Lille Institut/Université d’Artois/Université de Lille) et du CEA se sont penchés sur cette question. Pour tenter d’y répondre, ils ont étudié l'influence de la composition chimique des électrolytes LiPON sur leur structure locale à l’échelle atomique en utilisant la spectroscopie RMN du solide. Parallèlement, ils ont utilisé la spectroscopie d'impédance pour distinguer les différents coûts énergétiques nécessaires au mouvement des ions Li+ à l’origine de la conductivité dans ces matériaux. Ils ont ainsi pu corréler la composition, la structure et l'énergie requise pour le transport ionique et tirer deux conclusions générales.

Premièrement, l'origine de la conductivité ionique élevée des films minces d’a-LiPO est principalement liée à leur structure désordonnée. L’amorphisation du matériau lors de sa pulvérisation engendre en effet un désordre des ions lithium, initialement présents dans un seul site très stable du Li3POcristallin. Ce désordre entraîne une forte diminution du coût énergétique nécessaire à la formation de défauts qui facilitent le mouvement des ions Li+. Ensuite, l'incorporation d’azote dans les films minces de a-LiPON conduit à la formation d’espèces azotées, notamment des entités [O3P-N-PO3]5, dont la présence diminue fortement l'énergie de migration du lithium à travers le matériau.

L’identification des relations entre composition, structure à l’échelle locale et conduction ionique établies dans le cadre de ce travail constitue une première étape dans la compréhension des mécanismes en jeu. L’étude, parue dans la revue Chem. Mater., ouvre la voie à la conception de nouveaux matériaux amorphes présentant des conductivités ioniques bien supérieures encore, qui permettraient d’élargir leur champ d’applications à d’autres types de batteries tout-solide.

* : La pulvérisation cathodique (ou sputtering en anglais) est un phénomène dans lequel des particules sont arrachées à une cible dans une atmosphère raréfiée. Elle permet de déposer une couche mince d’atomes par condensation d’un gaz ionisé issu de la source solide (la cible) sur un substrat.

Rédacteur: AVR

Les analyses combinées par spectroscopies RMN et d’impédance permettent de quantifier le rôle du désordre et de la présence d’azote dans les phosphates de lithium amorphes nitrurés a-LiPON sur leur conductivité ionique. © Rafaël Bianchini-Nuernberg

Référence

Unveiling the Origins of High Ionic Conductivity in Lithium Phosphorus Oxynitride Amorphous Electrolytes
A.-K. Landry, R. Bayzou, A. Benayad, J. Trébosc, F. Pourpoint, O. Lafon, F. Le Cras, B. Pecquenard Le Cras and R. B. Nuernberg
Chem. Mater. 2023

https://doi.org/10.1021/acs.chemmater.3c02099
 

Contact

Rafaël Bianchini-Nuernberg
Ingénieur à l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
Communication CNRS Chimie