L’étude des roches terrestres, un modèle clé pour chercher des traces de vie sur Mars

Résultats scientifiques

Démontrer l’origine biologique de traces de vie microbienne de plusieurs milliards d’années est particulièrement complexe. La morphologie des microorganismes est très simple et leurs restes fossiles se dégradent avec le temps. Dans le cadre d’une collaboration internationale, des chercheurs du Centre de biophysique moléculaire ont identifié des signatures caractéristiques de la présence de vie passée. Leur méthode : des analyses morphologiques et chimiques de la matière carbonée présente dans des sédiments volcaniques vieux de 3,45 milliards d’années. L’approche analytique utilisée servira de modèle pour la recherche de traces de vie dans les roches martiennes rapportées sur Terre à l’horizon 2035.

Les sédiments volcaniques du chert de Kitty's Gap (Pilbara, Australie), une formation rocheuse âgée de 3,45 milliards d’années, se sont déposés dans un environnement d’eau peu profonde. Ils ont ainsi pu fournir un habitat idéal pour certains types de micro-organismes sur la Terre primitive, comme les chimiolithotrophes, qui utilisent l'oxydation de substrats inorganiques comme source d'énergie. Formés dans des conditions similaires à celles de Mars, les sédiments volcaniques de roches anciennes devraient permettre de tester différentes techniques analytiques qui seront nécessaires pour la recherche de traces de vie dans leurs homologues, déposés sur la planète rouge pendant le Noachien il y a plus de 3,5 milliards d’années. Cependant, la petite taille des cellules des micro-organismes qui vivaient à la surface et à l’intérieur de ces sédiments terrestres associée à la nature diffuse de ces colonies fossilisées rend particulièrement difficile l’identification et la caractérisation de potentielles biosignatures dans ces types de roches.

Des scientifiques du Centre de biophysique moléculaire (CNRS/Université d’Orléans) ont mis en œuvre une batterie de techniques spectroscopiques (microscopie optique, spectroscopie Raman, LA-ICP-MS…) pour établir la syngénicité[1] et la biogénicité[2] des restes fossiles préservés dans ces sédiments.

Les résultats montrent que les sédiments se sont déposés dans un bassin semi-fermé, influencé par les marées, les rivières et les fluides hydrothermaux, dont les conditions sont compatibles avec la colonisation et le développement de la vie microbienne. Des analyses morphologiques élémentaires et moléculaires de la matière carbonée associée aux restes dégradés de microfossiles potentiels ont confirmé sa syngénicité et sa biogénicité. En particulier, les chercheurs ont procédé à des analyses élémentaires (fluorescence à rayons X et émission de rayons X induite par des photons–PIXE) et moléculaires (fluorescence UV et IR). Ces techniques analytiques ont révélé un enrichissement en métaux traces (vanadium, chrome, fer, cobalt…) ainsi qu’en molécules aromatiques et aliphatiques associés à la matière carbonée, ce qui étaye l’hypothèse d’une origine biologique. Des observations en microscopie électronique en transmission ont également permis d’identifier des nanostructures amorphes qui ont été interprétées comme des restes dégradés de microorganismes et leurs sous-produits (ex : substances polymères extracellulaires, filaments).

L’étude souligne la nécessité d’utiliser une large gamme d’analyses complémentaires à plusieurs échelles pour rechercher la vie dans les échantillons extraterrestres rapportés sur Terre. Ces résultats, auxquels ont également contribué le Laboratoire de physique des deux infinis (CNRS/Université de Bordeaux), l’Institut de recherche sur les archéomatériaux (CNRS/Université d’Orléans) ainsi que le Muséum d’histoire naturelle de Londres et l’Université de Bologne, viennent d’être publiés dans la revue Astrobiology.

 

[1] Syngénicité : le caractère contemporain des micro-organismes avec la roche hôte qui les contient

[2] Biogénicité : l’origine biologique des restes fossiles

Référence

Multi-Technique Characterization of 3.45 Ga Microfossils on Earth: A Key Approach to Detect Possible Traces of Life in Returned Samples from Mars
Laura Clodoré, Frédéric Foucher, Keyron Hickman-Lewis, Stéphanie Sorieul, Jean Jouve, Matthieu Réfrégiers, Guillaume Collet, Stéphane Petoud, Bernard Gratuze, Frances Westall
Astrobiology 2024
http://doi.org/10.1089/ast.2023.0089

© Frances Westall (gauche), Laura Clodoré et Frédéric Foucher (droite)

À gauche, des sédiments silicifiés du chert de Kitty’s Gap montrent des laminations gris foncé et gris clair avec des structures sédimentaires (micro-ondulations, flaser-linsen…) caractéristiques du dépôt des sédiments sur le littoral. Capuchon d’objectif pour échelle, 5,4 cm de diamètre.
À droite, une cartographie Raman d’un grain volcanique altéré riche en hydromuscovite (en fuchsia) et en anatase (en bleu) et imprégné par du quartz (en jaune orangé). La matière carbonée (en vert) associée à de potentiels restes fossilisés de microorganismes est présente sur les bordures du grain.

Contact

Frances Westall
Directrice de recherche émérite au Centre de biophysique moléculaire (CNRS) à Orléans
Laura Clodoré
Centre de biophysique moléculaire (CNRS) à Orléans
Communication CNRS Chimie