Les rayons X éclairent la composition moléculaire d'une collection historique de résines de plantes australiennes

Résultats scientifiques

Une équipe scientifique internationale a déterminé la composition moléculaire d'exsudats végétaux conservés dans des conditions exceptionnelles, issus d'une collection historique unique collectée sur le territoire australien il y a plus de cent ans. Pour la première fois, l’équipe a employé une méthode avancée de rayons X, appelée diffusion Raman X, sur des composés naturels aussi complexes, en adaptant une méthodologie jusqu’ici essentiellement employée en chimie fondamentale. Ces résultats sont à retrouver dans la revue PNAS.

Depuis des milliers d’années, les peuples aborigènes d’Australie emploient les extraordinaires propriétés physico-chimiques de certains exsudats végétaux (résines, kinos et gommes) pour des applications pratiques ou des expressions culturelles. Ces exsudats de plantes continuent d’être employés dans de nombreux contextes culturels contemporains, avec une optimisation de leur utilisation aux différents usages (par exemple, comme colle d’emmanchement d'outils en pierre, liants de peinture ou couches d'apprêt pour des peintures sur écorce). Au début du 20ème siècle, un groupe de naturalistes a rassemblé une grande collection d'exsudats de plantes, la plupart collectés entre 1876 et 1905, en annotant soigneusement les informations de provenance. Cette collection exceptionnelle ouvre une fenêtre unique sur la composition d'exsudats végétaux anciens, particulièrement bien conservés et présentant un intérêt culturel et technologique majeur.

Une équipe scientifique de trois laboratoires du CNRS,* de deux installations synchrotron,** du laboratoire national SLAC des États-Unis, et de six universités*** à travers le monde, a poussé une spectroscopie de pointe à ses limites pour étudier la composition chimique de ces composés. L'équipe a utilisé une méthode innovante et inattendue, la diffusion Raman des rayons X, jusqu’alors considérée comme difficile à appliquer à des matériaux organiques aussi complexes. Lors de la diffusion Raman des rayons X, une petite fraction de l'énergie du rayonnement avec lequel un matériau est illuminé est transférée à ses électrons par diffusion inélastique, produisant un signal détectable pour identifier la forme chimique du carbone et de l’oxygène qu’il contient. Cette approche utilise des rayons X pénétrants qui permettent une analyse totalement non invasive dans des conditions ambiantes avec une préparation minimale. La diffusion Raman aux rayons X réalisée à une très haute résolution spectrale permet de sonder des caractéristiques moléculaires indétectables par des analyses plus conventionnelles (FT-IR, GC-MS).

L'équipe a ainsi pu déterminer les principales caractéristiques chimiques de ces exsudats anciens, notamment les liaisons et groupements fonctionnels présents et qui les rattachent à chaque genre végétal. Leur composition chimique et leurs propriétés matérielles déterminant leur utilisation culturelle, il n'est pas surprenant que ces matériaux naturels utilisés depuis des milliers d'années continuent d'inspirer leurs utilisations actuelles et futures. La combinaison de ces approches, présentée dans la revue PNAS, ouvre de nouvelles voies pour la caractérisation et la classification chimique des exsudats végétaux, avec un potentiel supplémentaire d'identification de ces composés et d'étude de leur utilisation dans des objets archéologiques et du patrimoine culturel.

* le Laboratoire photophysique et photochimie supramoléculaires et macromoléculaires, PPSM (CNRS/École normale supérieure Paris-Saclay), l’Institut photonique d'analyse non-destructive européen des matériaux anciens, IPANEMA (CNRS/Ministère de la culture/Muséum national d’histoire naturelle/Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) et l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie, IMPMC (CNRS/Muséum national d’histoire naturelle/Sorbonne Université)

** Centre de rayonnement synchrotron SOLEIL en France et Stanford Synchrotron Radiation Lightsource (SSRL) aux États-Unis.

*** l’Université Paris-Saclay en France, les Universités de Melbourne et de Flinders en Australie, l’Université d'Anvers en Belgique, l’Université de Pise en Italie et l’Université de Wisconsin-Madison aux États-Unis

© Loïc Bertrand et al.

Référence

Disentangling the chemistry of Australian plant exudates from a unique historical collection, Rafaella Georgiou, Rachel S. Popelka-Filcoff, Dimosthenis Sokaras, Victoria Beltran, Ilaria Bonaduce, Jordan Spangler, Serge X. Cohen, Roy Lehmann, Sylvain Bernard, Jean-Pascal Rueff, Uwe Bergmann et  Loïc Bertrand, PNAS 26 mai 2022

https://doi.org/10.1073/pnas.2116021119

Contact

Loïc Bertrand
Chercheur au laboratoire Photophysique et photochimie supramoléculaires et macromoléculaires (CNRS, ENS Paris-Saclay)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS