Les molécules-aimants s’organisent pour stocker l’information à l’échelle du nanomètre

Résultats scientifiques

Pour faire face aux besoins croissants en stockage de données informatiques les chimistes sont parvenus à stocker l'information binaire à l'échelle de molécules individuelles appelées « molécules-aimants ». Cependant, pour envisager leur insertion au sein de dispositifs, les molécules doivent pouvoir conserver l’information sans subir l’influence de celle portée par les voisines, ce qui nécessite de contrôler leur organisation au sein du matériau. Défi relevé par des scientifiques du Centre de recherche Paul Pascal (CNRS / Université de Bordeaux) et de l'Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande qui montrent comment des caténanes magnétiques, structures mécaniquement imbriquées, permettent cette organisation de molécules-aimants au sein d'édifices complexes tridimensionnels. Ces résultats font l’objet d’une publication dans la revue Angewandte Chemie.

Comme son nom l’indique, une molécule-aimant est un aimant formé d’une seule molécule. Sous l’action d’un champ magnétique, son aimantation peut présenter deux états adressables. Il est possible de passer réversiblement d’un état à l’autre ce qui confère à cette molécule-aimant un effet mémoire. D’où l’intérêt des spécialistes du magnétisme moléculaire pour ces objets qui pourraient permettre dans le futur le stockage d’information binaire, voire quantique, à une échelle très réduite.

Au sein d’un même matériau ou d'un dispositif de stockage, chaque molécule-aimant doit être capable de conserver son état magnétique sans subir l’influence de celle de ses voisines, condition essentielle si l’on veut contrôler l’information stockée sur chaque molécule. Il est donc nécessaire de maîtriser leur organisation de manière à ce que l’on puisse assigner individuellement un bit d’information à une molécule-aimant donnée.

Aujourd’hui, on sait isoler les molécules-aimants les unes des autres en les déposant sur des surfaces. Mais, pour parvenir à une miniaturisation plus importante encore, il faut dépasser cet arrangement bidimensionnel pour atteindre une organisation tridimensionnelle, avec un contrôle parfait de l’arrangement des molécules dans les trois directions de l’espace.

image clerac
© Rodolphe Clérac

Grâce à la flexibilité de la chimie de coordination,* des scientifiques du Centre de recherche Paul Pascal (CNRS / Université de Bordeaux) et de l'Université de Canterbury en Nouvelle-Zélande viennent de démontrer qu'il est possible d'organiser des molécules-aimants dans des constructions moléculaires d'une grande complexité, comme un caténane** résultant de l'auto-assemblage de 8 molécules-aimants à base d’ions cobalt(II). Cette architecture complexe en catenane présente deux carrés imbriqués l’un dans l’autre dont chaque sommet est une molécule-aimant isolée de ses voisines (figure ci-dessus). On peut donc penser que dans le futur, les chimistes de coordination pourront réellement répondre à n'importe quel type d'organisation nécessaire aux applications des molécules-aimants.

Les résultats, publiés dans la revue Angewandte Chemie, montrent la puissance de la chimie de coordination pour répondre aux défis technologiques liés à la miniaturisation des systèmes de stockage de l’information.

(*) Les composés de coordination sont issus d’une qui permet d’organiser de façon contrôlée des ions métalliques (cobalt, fer, cuivre…) en utilisant des petites molécules organiques appelées ligands.

(**) Assemblage moléculaire constitué de "macrocycles", objets moléculaires cycliques, engagés les uns dans les autres à la manière des maillons d'une chaîne.

Rédacteur : CCdM

Référence

Benjamin H. Wilson, Jas S. Ward, David C. Young, Jun-Liang Liu, Corine Mathonière, Rodolphe Clerac & Paul E. Kruger
Self-assembly synthesis of a [2]catenane Co(II) single-molecule magnet
Angew. Chemie Int. Ed. (2021)

https://doi.org/10.1002/anie.202113837

Contact

Rodolphe Clérac
Chercheur au Centre de recherche Paul Pascal (CNRS/Université de Bordeaux)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC