Les carbènes pour stabiliser des nano-objets métalliques

Résultats scientifiques

Les carbènes, longtemps considérés comme instables, sont aujourd’hui des molécules essentielles en chimie organique. Ils servent notamment de ligands pour les catalyseurs à base de métaux de transition. Des chercheurs du CNRS et de l'UCSD en ont récemment montré une tout autre utilité: leur capacité à stabiliser des nano-objets originaux composés de quelques atomes métalliques. L’étude des propriétés de tels « clusters » tri-nucléaires (trois atomes) de cuivre, d’or ou d’argent, publiée dans la revue JACS, révèle des informations précieuses sur l’activité de surface de ces métaux, notamment dans les traitements de valorisation du CO2

Les carbènes sont des molécules organiques très réactives car elles contiennent un atome de carbone divalent, c’est-à-dire qui participe à seulement deux liaisons covalentes, et porteur de deux électrons non liés. Depuis l’isolement en 1988 du premier carbène stable, ces composés ont connu un essor spectaculaire. Avides ou donneurs d’électrons, les carbènes s’associent notamment volontiers aux métaux de transition pour former des catalyseurs organométalliques très utiles. Des chercheurs d’une unité mixte de recherche entre le CNRS et l’Université de Californie à San Diego (UCSD), en collaboration avec des chercheurs du DCM (CNRS/Université de Grenoble), ont récemment montré un tout autre intérêt pour les espèces carbéniques: la stabilisation de nano-objets métalliques.

 

Constitués de quelques atomes à quelques milliers d’atomes, les nanomatériaux représentent les états intermédiaires de la matière, entre les atomes et les solides massifs. Un des enjeux majeurs des nanosciences est de comprendre les propriétés spécifiques de la matière à cette échelle. L’étude directe de ces propriétés est cependant compliquée par la difficulté d’isoler un petit amas d’atomes pour en étudier le comportement. Dans une étude récemment publiée dans la revue JACS, les chercheurs ont réussi à synthétiser une série de clusters métalliques tri-nucléaires, formés de trois atomes, stabilisés par un ligand carbène. Partant d’un cluster tri-nucléaire de cuivre, ils ont utilisé la technique bien connue d’échange galvanique, qui implique le remplacement d’un atome métallique par un autre atome métallique moins réducteur, pour former des clusters d’or ou d’argent, stables également. Ces clusters s’avèrent être d’excellents modèles pour étudier, par exemple, les phénomènes de réduction de CO2 sur les surfaces métalliques des métaux précieux. Ces résultats offrent une nouvelle façon d’étudier les nanomatériaux à partir de systèmes plus petits mais facilement modélisables. Les chercheurs s’attachent à présent à la stabilisation de plus grands clusters constitués de 6 atomes ou plus par différents carbènes.

Rédacteur: AVR

Echange galvanique entre le Cu, l'Ag et l'Au dans des clusters tri-nucléaires stabilisés par un carbène © Rodolphe Jazzar

Référence

Absolute Templating of M(111) Cluster Surrogates by Galvanic Exchange Jesse L. Peltier, Michele Soleilhavoup, David Martin, Rodolphe Jazzar et Guy Bertrand, J. Am. Chem. Soc. 2020, 142, 38, 16479–16485.

 

DOI: 10.1021.jacs.0c07990

Contact

Rodolphe Jazzar
Chercheur à l'Université de Californie à San Diego (CNRS UMI3555)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS