L’électrochimie pour créer des films nanoporeux performants

Résultats scientifiques

Capteurs, tamis moléculaires, stockage électrochimique de l’énergie…autant d’applications potentielles des films nanoporeux de silice. Elaborer de tels films à porosité orientée, ordonnée et fonctionnalisable par des procédés simples, c'est le défi que tente de relever l’équipe de chimie et électrochimie analytiques du LCPME (CNRS/Université de Lorraine). Alain Walcarius, directeur de recherche au CNRS et de cette équipe, explique comment l’électrochimie permet de créer ces véritables nids d’abeilles nanométriques.

Pourquoi s’intéressent-on à ces films ?

Le développement de films de silice à porosité verticalement orientée ouvre de nombreuses perspectives d’applications dans des domaines aussi variés que les capteurs, le stockage électrochimique de l’énergie, l’électronique moléculaire, l’électrocatalyse ou encore l’électrochromisme. Ces systèmes nanostructurés offrent de très grandes surfaces et volumes de pores uniformes, réglables en taille et dont la surface peut être fonctionnalisée. Un défi important reste cependant le contrôle de l'orientation des pores pour qu’elles soient toutes accessibles et assurent des propriétés d’échanges, de transport ou de réactivité optimales. La croissance verticale de nanocanaux sur un substrat nécessite de mettre au point des méthodes qui permettent cette auto-organisation.

 

Quelles sont les méthodes qui existent pour déposer de tels films sur un support ?

Jusqu’ici, les matériaux inorganiques et les films hybrides organiques-inorganiques à porosité périodiquement organisée étaient pour la plupart préparés par auto-assemblage induit par évaporation (EISA). La méthode est basée sur le dépôt par immersion d’un support dans une solution hydro-alcoolique diluée qui contient des précurseurs de silice et un tensioactif. Le retrait du substrat à vitesse contrôlée induit, par évaporation du solvant, le dépôt d’une couche au sein de laquelle la matière inorganique se condense autour de micelles de tensioactif auto-assemblées.  La destruction du tensioactif génère ensuite un film nanoporeux de structure hexagonale, cubique ou lamellaire.  Si la méthode EISA constitue actuellement le meilleur moyen de générer des films nanoporeux organisés, le contrôle de l’orientation des pores n’en reste pas moins un défi difficile à relever par ce procédé.

 

L’électro-dépôt de matériaux non conducteurs : un concept contre-intuitif d’auto-assemblage ?

Largement répertorié pour les matériaux conducteurs, il est moins intuitif d’appliquer les techniques de dépôt électrochimique à des oxydes ou hydroxydes métalliques isolants comme la silice. Au laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux et l’environnement (LCPME/CNRS), nous avons pourtant montré que l'électrochimie offrait une véritable aubaine pour construire des nanocanaux de silice orientés et ordonnés via la méthode d'auto-assemblage électrochimiquement assisté (Electro-Assisted Self-Assembly, EASA).

 Avec mes collègues, nous avons ainsi élaboré des nanocanaux de silice orientés par EASA et démontré la modulation de leurs propriétés. Le support est cette fois une électrode à la surface de laquelle on applique un potentiel qui induit l’auto-assemblage transitoire de micelles de tensioactif en réseau hexagonal. Ce potentiel provoque également une augmentation du pH qui favorise le dépôt et la croissance orthogonale de murs de silice guidée par le pattern des micelles sur l’électrode. Cet usage non conventionnel de l’électrochimie permet de déposer des films minces uniformes sur des surfaces de natures différentes. Des membranes à perméabilité sélective, fonctionnalisables sur demande, sont ainsi obtenues, qui offrent d’excellentes propriétés de tamis moléculaire. Elles peuvent également servir de moule pour la croissance de nano-objets tels que des réseaux de nanofilaments individuels de polymères conducteurs.

Représentation schématique et micrographie d’une couche mince de silice nanostructurée en nid d’abeille obtenue par voie électrochimique et une de ses applications pour la détection sélective d’un médicament, le propanolol, en milieu biologique. © Alain Walcarius

Référence

Electro-induced surfactant self-assembly driven to vertical growth of oriented mesoporous films Alain Walcarius, Accounts of Chemical Research, 1er septembre 2021.

https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.accounts.1c00233

Contact

Alain Walcarius
Chercheur au Laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux et l’environnement (CNRS/Université de Lorraine)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS