Le Prix des Innovateurs Île-de-France récompense des recherches sur la chimiothérapie par voie sous-cutanée

Distinctions Innovation

Chaque année, le Prix des Innovateurs de la Région Île-de-France soutient l’émergence d’innovations dans le domaine médical en couronnant 3 chercheurs de moins de 45 ans et leurs équipes. Parmi les lauréats de 2023, Julien Nicolas, directeur de recherche CNRS à l’Institut Galien Paris-Saclay, et son équipe ont été récompensés pour leurs travaux sur le développement d’une administration simplifiée de chimiothérapie par voie sous-cutanée.

Une chimiothérapie par voie sous-cutanée, c’est un pas de géant pour l’oncologie médicale. En quoi consiste votre innovation ?

Julien Nicolas : Face à l’augmentation massive du nombre de cas de cancer à travers le monde, particulièrement dans les pays émergents, il devient essentiel de développer des chimiothérapies efficaces, faciles à administrer et moins coûteuses, qui ne nécessiteront pas systématiquement d’hospitalisation. Nous avons donc mis au point une stratégie qui permet d’administrer par voie sous-cutanée l’un des anticancéreux les plus utilisés en clinique, ce qui rend le traitement bien plus confortable et plus simple que par la voie intraveineuse, traditionnellement utilisée. Le principal obstacle à surmonter est le caractère irritant et vésicant de nombreux anticancéreux qui, au lieu de diffuser vers les vaisseaux sanguins, ont tendance à stagner au niveau du tissu sous-cutané où ils provoquent des nécroses de la peau à cause de leur forte toxicité. Mais en établissant une liaison entre la molécule anticancéreuse et un polymère hydrophile et biocompatible, nous avons conçu des prodrogues solubles qui permettent d’éviter ces effets secondaires. Ces intermédiaires inactifs diffusent facilement du tissu sous-cutané jusque dans le sang, où le lien covalent entre le polymère et le principe actif est rompu de manière progressive pour lui rendre son activité anticancéreuse via une sorte d’effet réservoir.

Avec le Prix des Innovateurs Île-de-France, c’est la start-up Imescia qui reçoit un coup de pouce ?

Julien Nicolas : Je tiens en effet à associer à ce prix Nicolas Tsapis Alexandre Bordat et Tanguy Boissenot, les trois autres co-fondateurs d’Imescia, une société Biotech au stade préclinique créée en Juin 2019 après le dépôt d’un brevet en 2018. Cette aventure entrepreneuriale est née au sein de l’Institut Galien (Université Paris-Saclay/CNRS) avec cette envie commune de mettre au point une nouvelle approche thérapeutique, capable à la fois d’être plus efficace que les traitements classiques mais également plus confortable pour les patients. La pierre angulaire de cette approche repose sur la conception de prodrogues polymères par une méthodologie sur laquelle mon équipe travaille depuis plus de 10 ans, et le design d’un polymère bien particulier pour conférer les propriétés recherchées à cette nouvelle chimiothérapie.

Depuis sa création, Imescia a obtenu de nombreux financements et distinctions dont les bourses French Tech Emergence et French Tech Seed (Bpifrance), les accompagnements RISE et AstraZeneca, le concours d'innovation i-Lab et un prêt d’honneur Wilco. Nous avons récemment clôturé notre levée de fonds, menée par des business angels aux côtés de CNRS Innovation et recherchons un nouveau financement pour amener notre meilleur candidat vers les premiers essais cliniques d'ici 2024.

Ce Prix des Innovateurs Île-de-France permettra notamment d’accélérer le développement préclinique de nos chimiothérapies en l‘appliquant à d’autres modèles afin de consolider notre plateforme et nouer des partenariats avec des entreprises pharmaceutiques qui ont des difficultés pour administrer leurs molécules.

Quels sont les derniers verrous à lever pour voir cette administration simplifiée à domicile ?

Julien Nicolas : Il faudrait développer la prise en charge des patients à domicile plutôt qu'à l'hôpital. Pour cela, il est important d'éduquer les professionnels de santé, les patients et leurs familles sur les avantages de l'administration de chimiothérapie à domicile par voie sous-cutané, ainsi que sur les bonnes pratiques à suivre. La surveillance en continu des patients depuis leur domicile est également cruciale. Les solutions de télésanté et les applications de suivi des symptômes peuvent également jouer un rôle essentiel.

Contact

Julien Nicolas
Chercheur à l'Institut Galien Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Samy Kolli
Chargé de communication à l'Institut de chimie du CNRS