La surface des aérosols modifie la composition de l’air, même la nuit !

Résultats scientifiques

Une équipe de scientifiques de l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), en collaboration avec l’institut Weizmann, l’Université de Californie à Irvine et l’Université Technique de Canton, met en évidence le rôle primordial de la surface des aérosols atmosphériques dans la production de radicaux libres oxydants, et ce même la nuit, en l’absence de lumière ou de chaleur dont on pensait qu’elles étaient indispensables à ces réactions. Cette découverte invite à reconsidérer le pouvoir oxydant des aérosols et leur influence sur la composition chimique de la troposphère, avec un impact majeur sur le climat et la santé.

Les aérosols et les nuages sont des éléments clés du système atmosphérique. En effet, ces petites particules en suspension dans l’air, de diamètres allant de quelques nanomètres à quelques dizaines de micron, interagissent avec le rayonnement solaire, induisent la transformation chimique d’espèces adsorbées sur leur surface produisant ainsi de nouveaux composés dont l’impact sur l’air reste largement méconnu. Ils ont ainsi une influence non négligeable sur le climat et sur les impacts sanitaires associés à pollution atmosphérique. Appréhender la complexité de cette chimie reste encore un défi pour les chimistes qu’il faudra surmonter si l’on veut prendre en compte cette donnée essentielle dans les modèles prédictifs des évolutions climatiques.

Prenons l’exemple de l’eau des nuages, molécule stable dont on sait qu’elle est malgré tout capables d’induire des processus chimiques complexes à l’interface air/liquide. L’eau peut même provoquer de nouveaux chemins réactionnels aboutissant à la formation de radicaux libres hydroxyle (OH), oxydants qui modifient la composition chimique de l’atmosphère et sont toxiques pour les organismes vivants.

Une équipe de scientifiques de l’Institut IRCELYON (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), spécialiste de cette chimie interfaciale, vient de montrer qu’un champ électrique créé par l’orientation des molécules d’eau à la surface des microgouttelettes atmosphériques (aérosols ou nuages) était à l’origine de la formation de ces radicaux hydroxyle. Cette production spontanée, à pression atmosphérique et température ambiante, qui ne nécessite ni précurseur, ni lumière, ni chaleur, est probablement la plus grande source de radicaux hydroxyle dans les gouttelettes d’eau atmosphériques.

Ces travaux suggèrent une modification nocturne de la composition chimique de l’atmosphère qui voit son pouvoir oxydant augmenter au cours de périodes durant lesquelles nous pensions que l’absence de lumière rendait toute transformation chimique peu efficace. Ces résultats, parus dans la revue PNAS, sont une première étape vers la quantification de l'influence de cette production spontanée de radicaux sur les processus chimiques au sein de la troposphère, et ses implications profondes sur la qualité de l'air, le changement climatique et la santé humaine.

Rédacteur : CCdM

Référence

Kangwei Li, Yunlong Guo, Sergey A. Nizkorodov, Yinon Rudich, Maria Angelaki, Xinke Wang, Taicheng An, Sebastien Perrier & Christian George
Spontaneous dark formation of OH radicals at the interface of aqueous atmospheric droplets
PNAS 2023

https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2220228120

Contact

Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC