Signatures RMN du 195Pt qui permettent de déterminer l’environnement local des centres de platine dispersés sur des supports carbonés, en précisant le nombre d’atomes voisins (N, C, Cl), leur distribution et leur homogénéité © Jonas Koppe (CRMN)

La RMN révèle les sites actifs de catalyseurs à base d’atomes de platine isolés

Résultats scientifiques

Les catalyseurs à atomes uniques suscitent un intérêt croissant en catalyse hétérogène car ils permettent de réduire la quantité de métaux utilisée, et donc le coût du procédé, mais aussi d’améliorer l’activité catalytique et/ou sa sélectivité. Cependant, caractériser précisément les environnements de coordination de chaque atome métallique isolé, leur distribution ou encore leur évolution en conditions catalytiques reste un défi majeur. Des scientifiques montrent comment la spectroscopie RMN du 195Pt permet de visualiser précisément l’environnement local d’atomes de platine dispersés au sein d’un support poreux. Mieux encore, ils sont parvenus à suivre son évolution au cours de la réaction catalytique. Des informations clé pour aller vers de meilleures performances catalytiques.

Les métaux jouent un rôle central en catalyse hétérogène en facilitant de nombreuses réactions. Leur dispersion sous forme d’atomes isolés sur un support permet non seulement une utilisation optimale de ces éléments mais aussi une amélioration notable de la réactivité et de la stabilité des catalyseurs. Cette approche ouvre la voie à de nouvelles stratégies catalytiques susceptibles de transformer en profondeur le domaine de la catalyse hétérogène.

Le platine en est un exemple emblématique. Il catalyse avec une grande efficacité de nombreuses réactions qu'elles soient électro-, photo- ou thermo-catalytiques. Toutefois, en raison de sa rareté et de son coût élevé, il est crucial d’en exploiter chaque atome au mieux afin de réduire les quantités nécessaires. L’enjeu consiste donc à maximiser la surface active accessible aux réactifs, autrement dit à exposer aux réactifs le plus grand nombre possible d’atomes de platine. 

Pour y parvenir, plusieurs stratégies sont mises en œuvre comme la synthèse de nanoparticules métalliques ou le dépôt en couches minces sur des supports adaptés. L’étape ultime consiste à déposer le platine atome par atome au sein de matériaux nanoporeux, le plus souvent à base de matériaux carbonés dopés à l’azote (NC). Les atomes dispersés ont alors différents sites d’ancrage qui restent difficiles à caractériser. Mieux comprendre leur réactivité exceptionnelle nécessite pourtant de connaitre précisément leurs environnements de coordination, leur distribution ou encore leur évolution en conditions catalytiques.

Les scientifiques du Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/Ecole Normale Supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), en collaboration avec une équipe de l’ETH Zürich, viennent de montrer que la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) à l’état solide du 195Pt se montrait particulièrement efficace pour sonder l’environnement de coordination des atomes de platine dispersés sur ces supports carbonés. Leurs études ont été réalisées sur différents supports pour différentes concentrations de platine allant de 15 à 1 % en poids.  Grâce à des simulations de type Monte Carlo et des calculs de fonctionnelle de la densité (DFT), les signatures RMN des atomes de 195Pt ont révélé les environnements locaux des centres métalliques (nombre d’atomes d’azote, de carbone ou de chlore entourant le Pt), tout en quantifiant la distribution des sites catalytiques dans la matrice et leur homogénéité. 

Cette méthodologie a également permis un suivi quantitatif de l'évolution de cet environnement de coordination au cours de la réaction catalytique mais également selon la nature du support. Les scientifiques ont ainsi pu mettre en évidence les effets de surface sur l’activité, ce qui permet de mieux comprendre les différences de réactivité observées ainsi que les origines possibles de la désactivation du catalyseur.

Cette approche, qui permet de visualiser avec une précision inédite les environnements du métal sous forme atomique, ouvre la voie à la conception rationnelle de nouvelles générations de catalyseurs atomiquement dispersés. Elle offre en effet des repères structuraux précieux pour optimiser les supports et stabiliser des sites métalliques bien définis. Des résultats à retrouver dans la revue Nature.

Rédacteur : CCdM

Référence

Jonas Koppe, Alexander V. Yakimov, Domenico Gioffrè, Marc-Eduard Usteri, Thomas Vosegaard, Guido Pintacuda, Anne Lesage, Andrew J. Pell, Sharon Mitchell, Javier Pérez-Ramírez & Christophe Copéret
Coordination environments of Pt single-atom catalysts from NMR signatures
Nature 2025
https://www.nature.com/articles/s41586-025-09068-x

Contact

Andrew J. Pell
Enseignant-chercheur au Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard)
Anne Lesage
Ingénieure au Centre de RMN à hauts champs de Lyon (CNRS/Université de Lyon/ENS Lyon)
Guido Pintacuda
Chercheur au Centre de RMN à très hauts champs de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard)
Communication CNRS Chimie