La nano-spectroscopie infrarouge révèle une partie des secrets de l’astéroïde Ryugu

Résultats scientifiques

Analyser la composition chimique des échantillons prélevés sur l’astéroïde Ryugu par la mission spatiale japonaise Hayabusa2 permet de mieux comprendre les origines du système solaire. Des scientifiques ont analysé ces échantillons à l’aide d’une expérience unique de « nanospectroscopie infrarouge photothermique » développée au sein de leur équipe. Les résultats suggèrent que la formation de ces échantillons a pu avoir lieu à l’extérieur du système solaire.

Des échantillons de l’astéroïde (162173) Ryugu récemment ramenés sur Terre par la sonde Hayabusa2 ont été analysés avec les outils les plus performants à l’échelle mondiale. Ils permettent de mieux comprendre le rôle de ce type d'astéroïdes lors de la formation des océans et l’émergence de la vie sur notre planète.

Prélevés à la surface de Ryugu, un astéroïde de type C, riche en matière carbonée, ces échantillons contiennent un mélange de matière organique et minérale hydratée. La spectroscopie vibrationnelle infrarouge (IR) est l’une des techniques les plus utilisées pour caractériser cette matière extraterrestre. C’est un outil puissant de caractérisation physique et chimique mais sa résolution spatiale, qui détermine la finesse des détails que l’on va pouvoir observer, reste limitée à quelques microns.

Pour dépasser cette limite, une technique novatrice appelée AFM-IR a été développée à partir de 2004 à l’Institut de chimie physique (Université Paris-Saclay/CNRS). Elle repose sur le couplage entre la spectroscopie vibrationnelle IR et la microscopie à force atomique (AFM), qui permet d’atteindre des résolutions cent à mille fois supérieure à celle de la microscopie IR classique.

Les scientifiques impliqués dans ce travail ont été sélectionnés par l’agence spatiale japonaise JAXA, pour étudier par cette technique, les échantillons de l’astéroïde Ryugu. Ils ont ainsi pu mettre en évidence que la matière organique de ces échantillons se présente sous deux formes distinctes : une composante principale, diffuse, associée à la matrice minérale constituée de silicates hydratés (de type argiles) et une composante secondaire de nanoparticules organiques individuelles. Ces nanoparticules organiques présentent les signatures de liaisons C=O et C-H et sont comparables aux nanoglobules observés dans certaines météorites de type chondrites carbonées.

La caractérisation de ces échantillons par la technique AFM-IR suggèrent une possible formation de ces nanoglobules par irradiation ultraviolet d'un mélange complexe de glaces d'intérêt astrophysique, de composition similaire à ce qu'on peut rencontrer sur les comètes ou à la surface d'objets froids orbitant loin dans le système solaire, à basse température, dans les régions externes au système solaire.

Rédacteur : CCdM

Référence

Jérémie Mathurin et al.

AFM-IR nanospectroscopy of nanoglobule-like particles in Ryugu samples returned by the Hayabusa2 mission

Astronomy & Astrophysics 2024

https://doi.org/10.1051/0004-6361/202347435

© Jérémie Mathurin

Contact

Jérémie Mathurin
Ingénieur au Laboratoire de chimie physique (CNRS / Université Paris-Saclay)
Communication CNRS Chimie