La calorimétrie isothermique pour mieux comprendre les batteries

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Comment augmenter l’autonomie des batteries ? En s’intéressant au phénomène de redox anionique, réaction d’oxydo-réduction additionnelle du processus cationique « classique » des batteries Li-ions, ouvrant théoriquement la voie à une augmentation de 20 % de l’autonomie des batteries. Un travail mené par une équipe du Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie (RS2E) et publié dans la revue Nature Energy.

Le processus de redox anionique, phénomène d’oxydation-réduction additionnel au redox cationique « classique », est prometteur pour les batteries mais s’accompagne malheureusement d’une « hystérésis de tension » (différence importante de tension entre charge/décharge) : une partie de l’énergie du système est perdue par dissipation de chaleur. En plus de la perte d’énergie, cette dissipation pose un problème de sécurité. Dans une batterie en fonctionnement, elle provoque une surchauffe et peut être responsable d’un emballement thermique.  Les mécanismes et conditions thermochimiques de cette hystérésis sont mal connus. Une équipe du RS2E, menée par le Prof. Jean-Marie Tarascon (Chimie du solide et de l’énergie, CNRS/Collège de France/Sorbonne Université), s’est penchée sur ces questions grâce à une technique peu utilisée : la calorimétrie isothermique.

Cette technique permet d’analyser le comportement thermique de systèmes de stockage, en sondant les variations d’énergie et de désordre atomique au cœur des batteries (enthalpie et entropie). Cela permet d’en déduire les mécanismes ayant lieu au niveau de la cathode lors de sa charge et de sa décharge. Étudiant un matériau modèle nommé LRSO, les scientifiques ont montré que l’oxydation/réduction électrochimique des anions est immédiatement suivie d’un réarrangement de la structure pour la stabiliser. Les dissipations de chaleur sont dues à ces réarrangements et à l’entropie qu’ils produisent car le mécanisme est thermodynamiquement hors équilibre.

Cette compréhension fondamentale des mécanismes devrait permettre, à terme, à une recherche appliquée de développer de nouvelles approches pour atténuer l’hystérésis de tension, minimiser la génération de chaleur dans les matériaux et donc approcher une efficacité énergétique de 100 %.

Les auteurs de l’article espèrent d’autre part que leur nouvelle méthode de caractérisation des batteries encouragera la communauté des électrochimistes à s’approprier la calorimétrie isothermique pour l’étude d’autres systèmes.

En haut, schéma de la redox cationique (une étape) ; En bas, schéma de la redox anionique (multi-étape)© Gaurav Assat et al. 2019

Références

Gaurav Assat, Stephen L. Glazier, Charles Delacourt, Jean-Marie Tarascon
Probing the thermal effects of voltage hysteresis in anionic redox-based lithium-rich cathodes using isothermal calorimetry

Nature Energy – Juillet 2019
DOI10.1038/s41560-019-0410-6

Contact

Jean-Marie Tarascon
Professeur au Collège de France (Laboratoire Chimie du solide et énergie) - directeur du RS2E
Charles Delacourt
Chercheur (LRCS UMR7314)