Juan Carlos Rojas-Sanchez : des harmoniques pour les mémoires magnétiques

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Manipuler l’aimantation de matériaux sur des échelles de temps très courts, de l’ordre de la picoseconde, est un graal très convoité pour les technologies de l’information. Les techniques magnéto-optiques complexes utilisées actuellement sont difficilement intégrables dans des dispositifs. Pour s’affranchir de ces contraintes, Juan Carlos Rojas-Sanchez de l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine) a reçu une bourse ERC Consolidator avec son projet Magnetallien.

En spintronique, les composants sont contrôlés par un paramètre quantique des électrons : le spin. Cette approche promet des circuits intégrés et des composants bien plus puissants et énergétiquement efficaces, mais fait encore face à de nombreux défis techniques.

« Pour atteindre ce but, je m’intéresse aux matériaux où il existe un couplage fort entre le spin et l’orbite », explique Juan Carlos Rojas-Sanchez, chargé de recherche à l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine). Par exemple, lorsque l’on fait circuler un courant électrique dans un nanofil de platine, celui-ci disperse les électrons dans des directions opposées en fonction de l’orientation de leur spin, créant un courant de spin qui pourra être injecté dans une couche magnétique adjacente. Ce phénomène trouve des applications telles que les mémoires, les capteurs ou la réalisation de circuits logiques.

Différentes approches sont envisagées pour étudier et contrôler cet ingrédient clef qu’est le couplage spin-orbite. Par exemple en générant un courant de spin dans une couche mince de matériaux magnétiques pour l’injecter dans une couche voisine. Comprendre et exploiter ce phénomène à l’échelle de temps de la picoseconde reste un challenge. « Il n’est actuellement possible d’obtenir un signal allant jusqu’à une centaine de gigahertz qu’à l’aide de lasers et de moyens optiques particulièrement “lourds”, note Juan Carlos Rojas-Sanchez. Je veux réduire le coût, l’encombrement des dispositifs avec l’exploitation de nouveaux systèmes physiques exploitant l’interaction spin-orbite. »

Il a pour cela monté le projet MAGNETALLIEN[1], pour lequel il vient d’obtenir cette bourse ERC Consolidator. Il s’agira d’utiliser de nouveaux types de matériaux qui permettraient de manipuler, d’une nouvelle manière, le spin de leurs électrons s’ils sont correctement stimulés. L’idée est de mettre en résonance l’aimantation de ces matériaux pour générer un courant électronique qui oscille à plusieurs fois la fréquence de résonance, on parle alors de génération d’harmoniques, afin d’obtenir des courants de forte fréquence même en l’absence de lasers. Le projet vise dans un premier temps à atteindre un signal d’une dizaine de gigahertz, puis tentera d’aller progressivement jusqu’à quelques centaines. MAGNETALLIEN débutera à l’automne 2023 et durera cinq ans.

Martin Koppe

[1] Magnetic alloys and compounds for ultra-high harmonics spin current generation.

Contact

Juan Carlos Rojas-Sanchez
Chercheur à l'Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS