Guider et localiser des bactéries en les rendant magnétiques

Résultats scientifiques

Les micro-organismes n’étant guère obéissants, des astuces sont nécessaires pour diriger leurs déplacements à volonté. Des chercheurs du laboratoire PASTEUR (CNRS/ENS/Sorbonne Université), de l’IMPMC (CNRS/MNHN/Sorbonne Université), de l’IBENS (ENS/CNRS/INSERM) et du CIRB (CNRS/Collège de France/INSERM) ont pour cela génétiquement modifié des bactéries Escherichia coli pour les rendre magnétiques, afin qu’elles se déplacent et se regroupent grâce à des aimants. Publiés dans la revue ACS Synthetic Biology, ces travaux offrent de nombreuses perspectives dans le domaine des biotechnologies.

La bactérie intestinale Escherichia coli est une célébrité en biologie. Bien connue des chercheurs et facile à manipuler, elle sert de bactérie modèle pour de très nombreuses études cherchant à comprendre les mécanismes de base du vivant. Elle est également devenue un organisme clé des biotechnologies, permettant ainsi la production industrielle de médicaments comme l’insuline. Des chercheurs du laboratoire PASTEUR (CNRS/ENS/Sorbonne Université), de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (IMPMC, CNRS/MNHN/Sorbonne Université), de l’Institut de biologie de l’ENS (IBENS, ENS/CNRS/INSERM) et du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CIRB, CNRS/Collège de France/INSERM) s’en sont ainsi servi pour obtenir un micro-organisme vivant contrôlé artificiellement par un champ magnétique. Une propriété qui permet de trier, guider et déplacer facilement les bactéries grâce à des aimants.

Pour y parvenir, les chercheurs ont modifié génétiquement Escherichia coli afin qu’elle produise de la ferritine. Cette protéine capture et stocke, à l’intérieur de la bactérie, du fer ajouté dans le milieu de culture sous la forme de sels métalliques. Elle la protège également d’un excès de fer libre, qui lui serait fatal. Le métal ainsi stocké s’oxyde et forme une nanoparticule aux propriétés magnétiques. Plusieurs pistes d’applications ont été explorées. D’abord, des couples anticorps/antigènes ont été implantés à la surface des bactéries, les rendant capables de capturer d’autres bactéries cibles et de les concentrer sous l’action d’un aimant. En exprimant des protéines d’invasion à la surface de bactéries magnétiques qu’ils ont ensuite guidées vers un site précis, les scientifiques ont aussi augmenté localement l’infection de cellules animales. Ces travaux, qui ont donné lieu au dépôt d’un brevet, s’inscrivent comme une première étape vers le contrôle de micro-organismes pour du diagnostic in vitro ou in vivo, ainsi que pour des agents de contraste en imagerie médicale.

Haut : microscopie électronique de nanoparticules d’oxyde de fer au sein de bactéries Escherichia Coli. Bas: image par microscopie optique de l’accumulation de bactéries magnétiques exprimant des protéines fluorescentes rouges attirées par un aimant. © Aubry et al.

Référence

Mary Aubry, Wei-An Wang, Yohan Guyodo, Eugénia Delacou, Jean-Michel Guignier, Olivier Espeli, Alice Lebreton, François Guyot, Zoher Gueroui. Engineering E. coli for magnetic control and the spatial localization of functions. ACS Synthetic Biology, 2020.

 

https://doi.org/10.1021/acssynbio.0c00286

 

Contact

Zoher Gueroui
Directeur de recherche, Laboratoire PASTEUR
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS