Entre la France et le Japon, une collaboration gagnant-gagnant autour des polymères
Le deuxième congrès franco-japonais sur les polymères s’est tenu en juillet 2025 au Japon. Ses organisateurs reviennent sur l’historique de cette collaboration un temps interrompue par la pandémie de Covid-19 et sur les facteurs qui contribuent à sa réussite.
Le Japon est un partenaire majeur de la recherche française en chimie : environ une collaboration internationale de CNRS Chimie sur cinq est menée avec un organisme nippon. Les polymères, cette famille de matériaux macromoléculaires incluant les plastiques, en sont une illustration.
« À la fin des années 2010, les polyméristes montpelliérains avaient déjà un certain nombre de contacts au Japon, qu’ils soient académiques ou industriels », se remémore Vincent Ladmiral, chercheur à l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier (ICGM)1 . Ambitionnant de structurer cette collaboration, Vincent Ladmiral et Sylvain Caillol, également chercheur CNRS à l’ICGM et vice-président du Groupe français des polymères (GFP), décident d’unir leurs efforts pour rapprocher les réseaux des deux pays : le GFP et la Société japonaise des sciences polymères (SPSJ). Ensemble, ils organisent le premier colloque franco-japonais sur les polymères à Montpellier, en janvier 2020.
Coup d’arrêt
Hélas, quelques semaines seulement après cette étape fondatrice, la pandémie de Covid-19 marque un coup d’arrêt au rapprochement entre les deux communautés. Avec la fermeture des frontières, les chercheurs français et japonais ne peuvent plus se rencontrer pendant deux ans.
En 2023, les échanges reprennent enfin. Un colloque bilatéral est organisé en septembre à Orléans dans le cadre du projet de recherche international (IRP) EXTREME, une collaboration portée par le Professeur Christophe Sinturel entre le laboratoire Interfaces Confinement Matériaux et Nanostructures (ICMN)2 , l’ICGM et l’Université de Nagoya. Ce colloque est un point d’étape avant la seconde édition du symposium franco-japonais sur les polymères, qui vient de s’achever en juillet 2025 à Kitakyūshū, au Japon, et qui a réuni une trentaine de chercheurs des deux pays.
Une collaboration gagnant-gagnant
Les chimistes montpelliérains énumèrent les avantages à collaborer avec leurs collègues nippons : « Les polyméristes japonais développent une approche originale et innovante », décrit Vincent Ladmiral. « Culturellement, nous parvenons aussi à tisser des liens profonds et durables, favorables à l’épanouissement d’une collaboration scientifique. » Son collègue Sylvain Caillol abonde : « Travailler avec nos collègues japonais nous permet de nous éloigner de notre perspective euro-centrée. »
Une collaboration jugée aussi fructueuse côté japonais : « Les chercheurs français et japonais n’ont pas la même façon d’aborder la recherche », constate Keiji Tanaka, professeur à l’Université de Kyushu et vice-président de la SPSJ. « Les Français ont une approche équilibrée entre recherche fondamentale et recherche tournée vers les besoins de l’industrie. C’est inspirant pour nous. » Collaborateur de longue date des chercheurs montpelliérains, il vient de recevoir le Prix International du GFP pour son engagement en faveur du rapprochement scientifique entre les deux pays.

Cette place particulière qu’occupent les polyméristes français au Japon se manifeste par leur forte participation aux congrès régionaux : les Français constituaient ainsi la délégation non-asiatique la plus nombreuse à la 19e Pacific Polymer Conference (PPC19), qui se tenait quelques jours avant le colloque franco-japonais.
La recyclabilité, un enjeu majeur
Quelles thématiques les chercheurs voient-ils émerger dans les années à venir pour la collaboration franco-japonaise sur les polymères ? Le développement de matériaux de hautes performances qui permettront de répondre aux besoins sociétaux futurs, mais également le recyclage : « Les chimistes japonais sont particulièrement intéressés par les vitrimères », s’enthousiasme Keiji Tanaka. « Recyclables, façonnables de manière réversible tout en restant légers et résistants, les vitrimères ont de nombreux atouts. La France est considérée comme l’endroit incontournable pour étudier cette nouvelle classe de matériaux organiques depuis leur découverte par Ludwik Leibler [fondateur et ancien directeur du laboratoire Matière Molle et Chimie et lauréat de la médaille de l’innovation du CNRS en 2013, NDLR]. »
Côté français, Sylvain Caillol et Vincent Ladmiral citent également la recyclabilité et la dégradation des polymères. Un enjeu scientifique et sociétal majeur, alors que moins de 10% de la production mondiale de plastique est recyclée, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Cette question de la fin de vie des polymères constituera, à n’en pas douter, un axe important pour l’avenir de la collaboration franco-japonaise », conclut Sylvain Caillol.
Rédacteur : CD
