En chimie, l’argent vaut de l’or

La chimie de l’argent est encore relativement peu développée car ce métal a longtemps été considéré comme précieux, mais aussi inerte, contrairement aux autres éléments du même groupe comme le cuivre et l’or. Et pourtant, de nombreux composés contenant cet élément se révèlent hautement réactifs. C’est le cas, par exemple, de certains composés organo-Ag(III) capables de fixer différentes molécules organiques : ligands à base d’azote, phosphore ou arsine, groupement trifluorométhyle… Particulièrement instables, ces complexes sont difficiles à isoler, et donc à caractériser.

Dans ce contexte, une collaboration transpyrénéenne entre les scientifiques du Laboratoire hétérochimie fondamentale et appliquée (CNRS/Université Paul Sabatier Toulouse III) et l’Université de Saragosse a permis d’isoler et de caractériser pour la première fois le complexe (CH₃CN)Ag^III(CF₃)₃, une espèce hautement réactive et intermédiaire réactionnel dans la synthèse des dérivés à base de phosphore ou arsine (Ph₃P)Ag^III(CF₃)₃ et (Ph₃As)Ag^III(CF₃)₃, sans précédents bibliographiques.

Les études expérimentales par diffraction des rayons X, combinées à des modélisations moléculaires, montrent l’acidité (ou l’électrophilie) du centre métallique (Ag^III) au sein de la plateforme plane-carrée (L)Ag^III(CF₃)₃ (*), ce qui favorise l’entrée spontanée des ligands (L’) azotés ou oxygènes dans le nuage électronique du centre métallique pour aboutir à des composés pyramidaux (L)(L’)Ag^III(CF₃)₃ (L’ = CH₃CN, py, acétone). Ces résultats qui font l’objet de la contre-couverture dans la revue Chem. Commun., sont un pas vers la compréhension des mécanismes qui régissent la chimie de cet élément.

(*) Composés entrant dans les réactions de trifluorométhylation très répandues à l’échelle industrielle.