E2P2L : la chimie durable fête ses 10 ans à Shanghai

Entretiens

Basé à Shanghai et né d’une collaboration entre le CNRS et Solvay, l’Eco-efficient products & processes laboratory [1] fête ses dix ans. L’occasion pour son directeur, Stéphane Streiff, de revenir sur les faits d’armes de ce laboratoire commun entre le CNRS et l’industriel Solvay. Il nous présente cette structure spécifique et les travaux de son équipe en chimie durable.

Quels sont les grands axes de recherche à l’E2P2L ?

Notre laboratoire se concentre sur la découverte d’alternatives pour une chimie durable, notamment au niveau de la catalyse qui est notre cœur de métier. En effet, l’amélioration des catalyseurs est cruciale pour réduire l’empreinte environnementale, car les plus performants d’entre eux permettent d’obtenir des réactions moins énergivores et plus sélectives, laissant ainsi moins de sous-produits à la fin.

Nous travaillons également au remplacement de dérivés de pétrole, en particulier des solvants, par des produits biosourcés, sur la valorisation du CO2 et l’électro-catalyse pour la production d’hydrogène et le stockage d’énergie. Nous opérons aussi une migration vers le digital, car le développement de simulations en amont de nos recherches nous permet d’avancer en ayant moins d’expériences et de réactions à réaliser. Nous maîtrisons ainsi mieux les sources et avons moins de sous-produits à gérer.

 

Que vous apporte la coopération entre le CNRS et Solvay, qui a donné lieu à la création de votre laboratoire commun E2P2L en 2011 ?

Cette structure de laboratoire commun est un mariage entre la science et ses applications. Ce lien va dans les deux sens : nous apportons des solutions aux problèmes des industriels et ces derniers nous aident à faire avancer la recherche fondamentale avec leurs problématiques et à valoriser nos travaux. L’E2P2L est d’ailleurs devenu le laboratoire de référence pour la catalyse chez Solvay, nous sommes en mesure de répondre à la quasi-totalité de leurs problématiques dans ce domaine. La recherche académique de haut niveau et les perspectives d’embauche qu’offrent ces structures mixtes nous aident aussi à attirer de nouveaux talents et à étendre notre réseau, pour livrer plus vite de meilleures solutions aux entreprises. Cette structure nous a de plus permis de lever quatre millions d’euros de financements sur ces dernières années.

 

Pourquoi avoir installé le laboratoire en Chine ?

Avec ses engagements sur l’environnement et la taille de son industrie, la Chine concentre 50 % de la demande mondiale en solutions de chimie durable. La forte croissance du pays nous offre plus généralement bien des occasions d’apporter notre contribution de recherche fondamentale à des procédés industriels. Enfin, être sur place avec des collègues chinois nous ouvre de nombreuses portes, notamment sur le monde académique chinois. Nous sommes d’ailleurs associés à autant d’universités françaises que chinoises [1], et avons conservé cette parité chaque fois que de nouveaux partenaires nous ont rejoints.

Le 14 décembre 2021, nous avons fêté les dix ans de l’E2P2L avec un symposium réunissant nos collaborateurs chinois et internationaux. Cela a malheureusement dû se faire à distance, en visioconférence, à cause du Covid-19, mais c’était important de marquer le coup et de renforcer ces liens.

 

Quels sont les principaux résultats obtenus à l’E2P2L, les faits marquants qui ont sûrement été au cœur de ce symposium ?

Nous sommes une vingtaine de chercheurs, surtout des chimistes, mais aussi des experts en IA, modélisation et physico-chimie, et nous sortons une quinzaine de publications et de brevets par an, ce qui est très conséquent pour une équipe de cette taille. Avec l’IC2MP [2] de Poitiers, nous avons été les premiers à concevoir des composés aromatiques biosourcés en partant de simulations.

Pour une usine, nous avons remplacé un catalyseur par un équivalent non toxique. Pour un autre partenaire local, nous avons obtenu les catalyseurs les plus performants à ce jour pour l’oxydation du phénol, une réaction ici utilisée pour synthétiser de la vanilline. Signe de notre légitimité, notre agrément avec le CNRS et Solvay a été renouvelé pour cinq ans en 2020.

[1] Pour la France : l’ENS Lyon et les universités de Lille et Poitiers. Pour la Chine : les universités ECNU, ECUST et Fudan, toutes trois basées à Shanghai.

[2] Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (CNRS/Université de Poitiers).

solvay
© Mathias Guillin

 

 

Contact

Stéphane Streiff
Chercheur et directeur à l’Eco-efficient products & processes laboratory (CNRS/Solvay)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC