Du désordre pour booster le stockage d'énergie dans les supercondensateurs

Résultats scientifiques

La densité énergétique des supercondensateurs - dispositifs semblables aux batteries mais qui se chargent en quelques secondes ou quelques minutes - pourrait être améliorée en augmentant le "désordre" de leur structure interne. C’est ce que montre une étude publiée dans Science et menée par des scientifiques du CNRS (CIRIMAT/RS2E) et des Universités de Cambridge et de Lancaster. Un pas important vers l’électrification du transport urbain grâce aux supercondensateurs.

Comme les batteries, les supercondensateurs stockent de l'énergie, mais ils peuvent se charger en quelques secondes ou quelques minutes, alors que les batteries prennent beaucoup plus de temps. Un bus, un train ou un métro alimenté par des supercondensateurs pourrait se recharger complètement le temps de laisser descendre et monter les passagers, ce qui lui fournirait suffisamment d'énergie pour atteindre l'arrêt suivant. Il ne serait donc pas nécessaire d'installer une infrastructure de recharge le long de la ligne. Les supercondensateurs sont aussi beaucoup plus durables que les batteries et peuvent supporter des millions de cycles de charge. Toutefois, avant de généraliser l'utilisation de ces sprinters de l’énergie, leur capacité de stockage doit être améliorée.

Pour stocker et libérer l’énergie électrique, un supercondensateur repose sur le mouvement de molécules chargées entre des électrodes de carbone poreux, qui ont une structure très désordonnée. Pour imaginer la structure de ces carbones, on peut penser à un feuillet de graphène, de structure très ordonnée, que l'on froisserait. On obtient alors un désordre similaire aux matériaux utilisés pour les électrodes des supercondensateurs. Ce désordre complique cependant l’identification et l’optimisation des paramètres qui gouvernent les performances des matériaux. Longtemps, la taille des nanopores, de minuscule trous, dans les électrodes de carbone a été perçue comme le facteur clé.

Dans le cadre d'une collaboration entre le Centre interuniversitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux (CIRIMAT - CNRS/Toulouse INP/Université Toulouse III - Paul Sabatier) et les Universités de Cambridge et de Lancaster en Angleterre, des scientifiques ont analysé une vaste série d'électrodes de carbone nanoporeux disponibles dans le commerce et ont constaté que l'effet de la taille des pores, observé pour certains carbones, n'était pas généralisable. L’équipe de Cambridge a ensuite utilisé la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) pour étudier cette série d’électrodes. Ces analyses, interprétées grâce à des travaux de modélisation réalisés au CIRIMAT, ont permis de quantifier le niveau de désordre de chaque électrode. Les résultats montrent que le caractère désordonné des matériaux - longtemps considéré comme un défaut - est en fait bénéfique. L'équipe compte poursuivre ces recherches pour comprendre pourquoi le désordre, fixé au moment de la synthèse des électrodes de carbone, est si important pour le stockage des ions dans les nanopores.

Ces résultats, publiés dans la revue Science, devraient permettre de booster la capacité de stockage des supercondensateurs pour généraliser leur utilisation dans le transport urbain.

La recherche a été soutenue en partie par le Cambridge Trusts, le European Research Council (ERC) et le UK Research and Innovation (UKRI).

Rédacteur: AVR

Référence

Structural disorder determines capacitance in nanoporous carbons
Xinyu Liu, Dongxun Lyu, Céline Merlet, Matthew J. A. Leesmith Xiao Hua, Zhen Xu, Clare P. Grey & Alexander C. Forse
Science 2024

La combinaison d’analyses par spectroscopie RMN et simulations sur ordinateur permet de caractériser le désordre dans les carbones poreux des supercondensateurs et de relier ce paramètre aux performances des matériaux © Céline Merlet

Contact

Céline Merlet
Chercheuse au Centre interuniversitaire de recherche et d'ingénierie des matériaux (CIRIMAT - CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/Toulouse INP)
Communication CNRS Chimie