Dissociation moléculaire ultrarapide induite par les rayons X : à chacun son rythme !

Résultats scientifiques

Depuis toujours, les liaisons chimiques sont au cœur des préoccupations des chimistes. Comment elles se forment, comment elles se rompent. Une façon particulière de dissocier des atomes est d’utiliser des rayons X de haute énergie. Lorsqu’ils interagissent avec des molécules, ils peuvent exciter les électrons vers des états à très haute énergie, ce qui entraîne la rupture rapide des liaisons chimiques, un processus connu sous le nom de dissociation ultrarapide. Ce processus qui se produit en quelques femtosecondes (1 fs = 10-15 secondes) a principalement été étudiée pour des molécules légères comme le dihydrogène, le dioxygène ou des dérivés carbonés, relativement simples à étudier et à modéliser. Mais qu’en est-il pour la dissociation de molécules comprenant des atomes plus lourds ?

Pour apporter des éléments de réponse à cette question, des scientifiques du Laboratoire de chimie physique-matière et rayonnement (CNRS/ Sorbonne Université) ont étudié ces ruptures rapides de liaisons dans des molécules comportant des halogènes, en se concentrant sur une molécule particulière comprenant un atome de brome et de chlore, reliés entre eux par un groupe alkylène léger (CH2).

En détectant tous les fragments ioniques après absorption de rayons X, ils ont pu mettre en évidence des mouvements nucléaires (des atomes) dans les états intermédiaires de très courte durée qui précèdent la dissociation. Pour cela, une nouvelle méthode d’analyse, appelé IPA (ion pair average =  moyenne des paires d’ions) a été mise au point qui leur a permis d’obtenir une image plus claire de la dynamique mise en jeu.

Les résultats montrent que les groupes d'atomes légers comme CH2 sont expulsés en premier, contrôlant les premières étapes de la dissociation et entrainant ensuite les atomes plus lourds, le brome et le chlore, qui bougent plus lentement. Ce phénomène se déroule pour certaines énergies de rayons X. Lorsque l'énergie des rayons X est changé (plus élevée ou plus bas), la molécule a tendance à se dissocier de manière uniforme dans cette petite molécule modèle. Les simulations théoriques, en accord avec les résultats expérimentaux, soulignent le rôle crucial des modes vibrationnels des atomes les plus légers dans la conduite des ruptures ultrarapides.

Ces résultats, publiés dans le J. Phys. Chem. Lett.,  donnent pour la première fois une image  précise du comportement de molécules complexes sous irradiation aux rayons X. Au-delà, en soulignant le rôle des groupements atomiques légers dans la dynamique de dissociation ultra-rapide, ils devraient également permettre de mieux comprendre des réactions chimiques au niveau moléculaire.

Rédacteur : CCdM

Référence

Oksana Travnikova, Victor Kimberg, Barbara Cunha de Miranda, Florian Trinter, Markus S. Schöffler, Stéphane Carniato, Tatiana Marchenko, Renaud Guillemin, Iyas Ismail, Gregor Kastirke, Maria Novella Piancastelli, Till Jahnke, Reinhard Dörner & Marc Simon
X-ray-Induced Molecular Catapult:Ultrafast Dynamics Driven by Lightweight Linkages
J. Phys. Chem. Lett. 2024 15, 47, 11883–11890

© J. Phys. Chem. Lett.

Contact

Oksana Travnikova
Chercheuse au Laboratoire de chimie physique – matière et rayonnement (CNRS/Sorbonne Université)
Communication CNRS Chimie