Des nouveaux plastiques qui se réparent sous l’effet de la lumière

Résultats scientifiques

Mr. McGuire avait vu juste en prédisant à Ben Braddock, jeune étudiant des années 1960, un avenir fantastique pour les plastiques (film Le lauréat, 1967). Il n’avait par contre pas prévu le volume des déchets plastiques non recyclés ou revalorisés, problème majeur du 21e siècle sur lequel se penchent nombre de scientifiques et industriels. Dans ce contexte, des chercheuses et chercheurs de l’IS2M (CNRS/Université de Haute-Alsace) et de l’ICR (CNRS/Université d’Aix-Marseille) ont mis au point de nouveaux polymères auto-cicatrisables et re-modelables à souhait sous l’effet d’une lumière proche infra-rouge peu coûteuse. Ces résultats, publiés dans la revue Advanced Functional Materials, offrent de nouvelles perspectives pour la revalorisation des matières plastiques.

Le 20ème siècle a clairement été marqué par l’avènement des plastiques, matériaux polymères formés de gigantesques macromolécules. La production de plastiques a en effet augmenté de 4000% entre 1960 et 2013. Et pour cause : leur légèreté, combinée à d’excellentes propriétés mécaniques, leur a permis de remplacer le verre, le métal, le bois, le carton, le béton.… Dans nombres d’applications allant de l’emballage à l’industrie automobile en passant par l’électroménager et le bâtiment, sans compter toutes les avancées technologiques qui ne furent possibles que grâce aux plastiques. Malheureusement, l’industrie des matières plastiques souffre de deux inconvénients majeurs: les plastiques sont faits à base de pétrole et sont donc très énergivores, et ils ne se recyclent pas facilement voire pas du tout, et surtout pas aussi vite qu’ils ne sont consommés. En effet, contrairement aux métaux ou au verre qui peuvent être refondus à l’infini, les plastiques se dégradent fortement sous l’effet de la chaleur et ne peuvent donc pas être mis en œuvre à volonté. Même si le recyclage, la revalorisation, la collecte ou l’incinération des déchets plastiques a doublé entre 2007 et 2018, le problème est loin d’être résolu et nombre de chercheurs et industriels travaillent ensemble sur différentes stratégies pour diminuer l’impact des déchets plastiques.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’IS2M (CNRS/Université de Haute-Alsace) et de l’ICR (CNRS/Université d’Aix-Marseille) ont mis au point de nouveaux polymères auto-cicatrisables et re-modelables à souhait sous l’effet de la lumière proche infra-rouge (PIR). Plus précisément, ils ont développé un colorant organique, parfaitement soluble dans le milieu de polymérisation et dans les polymères étudiés, qui absorbe fortement les rayonnements PIR. Lorsqu’il est excité, ce colorant converti localement la lumière en chaleur. La chaleur dégagée par irradiation permet de localement « fondre » le polymère en le portant au-dessus de sa température de transition vitreuse, température au-dessus de laquelle les réarrangements moléculaires et l’écoulement sont possibles. Ils ont ainsi démontré que l’utilisation d’une source de lumière PIR peu coûteuse et très pénétrante permet de réparer, donner une nouvelle forme ou effacer les rayures de plusieurs échantillons de polymères. Ces résultats, publiés dans la revue Advanced Functional Materials, proposent une approche sans précédent pour le retraitement, le remodelage, le recyclage, et l’auto-cicatrisation des plastiques. Ces travaux ont aussi fait l’objet d’un dépôt de brevet.

Rédacteur: AVR

Le proche infrarouge (PIR) pour modeler les plastiques. © Jacques Lalevée

Référence

NIR Organic Dyes as Innovative Tools for Reprocessing/ Recycling of Plastics: Benefits of the Photothermal Activation in the Near-Infrared Range, Valentin Launay, Aurore Caron, Guillaume Noirbent, Didier Gigmes, Frédéric Dumur, and Jacques Lalevée, 17 novembre 2020.

https://doi.org/10.1002/adfm.202006324

Contact

Jacques Lalevée
Enseignant-chercheur à l’Institut de science des matériaux de Mulhouse (CNRS/Université de Haute-Alsace)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS