Des molécules à visées thérapeutique issues des éponges marines synthétisées en laboratoire
Des scientifiques du CNRS sont parvenus à produire de manière synthétique des molécules complexes issues des éponges marines qui présentent des activités thérapeutiques prometteuses, permettant d’accéder à des quantités plus abondantes de ces substances naturelles en limitant la surexploitation des ressources marines. Leur stratégie de « synthèse totale » innovante pourrait mener à de nombreux autres médicaments.
Les éponges marines regorgent de trésors cachés, dont des molécules aux vertus thérapeutiques. Parmi celles-ci, les quinones méroterpéniques sont une famille de molécules organiques complexes qui présentent des activités biologiques puissantes. Les éponges marines vivent en effet dans des environnements extrêmes (profondeurs, symbiose avec des micro-organismes spécifiques…), ce qui favorise la biosynthèse de métabolites originaux que l’on ne retrouve pas ou peu pour des organismes terrestres.
Anticancéreuses, antibactériennes, antivirales…, elles sont potentiellement des candidates prometteuses pour le développement de médicaments, notamment contre des maladies résistantes ou difficiles à traiter. Les chimistes tentent donc de reproduire synthétiquement ces quinones méroterpéniques pour accéder à de plus grandes quantités, l'extraction naturelle étant limitée pour éviter de surexploiter les ressources marines.
Les éponges produisent ces quinones méroterpèniques aux structures très variées à partir d’un squelette moléculaire unique via des transformations chimiques dites divergentes1 . L’objectif des scientifiques de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (CNRS/Unviversité Paris-Saclay) est d’obtenir maintenant ces molécules complexes par synthèse multi-étapes (Synthèse totale : un seul chemin réactionnel mène à une molécule précise). Cette approche utilise des précurseurs moléculaires simples et leur permet ainsi de s’affranchir de l’architecture moléculaire complexe dont les éponges parviennent à extraire leurs quinones méroterpèniques.
Les scientifiques ont ainsi mis au point les synthèses totales de deux de ces molécules appelées « dactyloquinone A » et « spiroetherone A ». Un enchainement inédit de réactions chimiques les a menés à une structure moléculaire spécifique à partir de laquelle ils ont pu obtenir ces deux-dérivés grâce à des réactions qu’ils ont optimisées.
Ces résultats, publiés dans la revue Angewandte Chemie, montrent la capacité des chimistes organiciens à imaginer des enchainements précis de réactions chimiques tout en mettant au point des réactions inédites afin d’obtenir au laboratoire des molécules complexes de manière efficace. Ils vont permettre d’accéder à des quantités plus abondantes de ces substances naturelles mais aussi (et surtout) de proposer des séquences de réactions innovantes aux acteurs de la chimie médicinale pour les aider à découvrir de nouveaux candidats médicaments.
Rédacteur : CCdM
- 1Une transformation divergente est une stratégie de synthèse dans laquelle une même molécule de départ est transformée en une famille de produits différents via un enchainement de synthèse spécifiques.
Référence
Guillaume Schoenn, Cyrille Kouklovsky, Régis Guillot, Thomas Magauer, Guillaume Vincent
Total Synthesis of Dactyloquinone A and Spiroetherone A via a Metal-Hydride Hydrogen Atom Transfer (MHAT) Process and a Quinol–Enedione Rearrangement
Angewandte Chemie International Edition 2025
https://doi.org/10.1002/anie.202505270