Des lanthanides luminescents pour prendre la température des cellules

Résultats scientifiques

Mesurer la température à l’intérieur d’une cellule, et en déduire si celle-ci est cancéreuse ou saine, telle est la promesse des dernières avancées en nanothermométrie. Pour cela, il faut développer des systèmes biocompatibles de très petites tailles, ultra sensibles et précis, qui changent leurs propriétés photophysiques avec la température. C’est ce qu’ont réalisé des chimistes du CBM (CNRS), en collaboration avec des équipes américaines et portugaises, en développant des sondes moléculaires luminescentes à base de lanthanides (terres rares). Ces résultats sont à retrouver dans le Journal of the American Chemical Society.

La nanothermométrie par luminescence est une technique optique qui permet une mesure de température très précise à l’échelle submicronique. Elle connait actuellement un essor très important en microélectronique, nanomédecine, microfluidique et analyse biologique in vitro ou in vivo. Le principe de fonctionnement est le suivant : un nanothermomètre optique corrèle une valeur de température à un changement des propriétés photophysiques d'une sonde. Les lanthanides, une série de métaux qui font partie des terres rares, sont de bons candidats pour ces sondes car ils sont luminescents, c’est-à-dire qu’ils émettent de la lumière après avoir été excités par un stimulus optique extérieur. Cette luminescence, qui dépend elle-même de la température locale, permet de mesurer de très faibles changements de température à des petites échelles.

La plupart des nanothermomètres décrits à ce jour sont basés sur des nanoparticules incorporant des ions lanthanides. La précision de leur réponse thermique reste cependant difficile à maîtriser car elle peut être influencée par la taille et la géométrie des particules ainsi que la composition de leurs surfaces. Une alternative plus performante serait de développer des sondes moléculaires à l’intérieur desquelles la luminescence des atomes de lanthanides serait parfaitement maîtrisée puisque l'environnement autour de chaque ion lanthanide est connu et uniforme.

Dans ce contexte, des chimistes du Centre de biophysique moléculaire d’Orléans (CNRS), en collaboration avec des équipes américaines et portugaises, ont récemment préparé des molécules de type métallacouronnes à base de lanthanides pour créer des nanothermomètres optiques.  Le domaine de sensibilité de ces dernières peut être contrôlé très finement grâce à un travail de rationalisation des propriétés de luminescence de ces molécules.

Les métallacouronnes sont d’imposantes molécules très rigides obtenues en liant des cations métalliques à des blocs d’assemblage organiques. La réponse des lanthanides localisés à l’intérieur de ces molécules à une stimulation extérieure peut être ajustée par la nature de ces blocs d’assemblage. Une série de nouveaux nanothermomètres a ainsi pu être obtenue, dont la fenêtre de fonctionnement en température peut être adaptée à la mesure visée. Ces systèmes de très petite taille pourraient être incorporés dans des cellules vivantes sans perturber le fonctionnement du système biologique étudié. Cette approche innovante, décrite dans le Journal of the American Chemical Society, offre des perspectives très excitantes en recherche biologique et pour le diagnostic et le suivi médical de patients.

Rédacteur: AVR

L’utilisation de différents blocs d’assemblages pour construire des métallacouronnes à base de lanthanides (ici le Samarium Sm et le Terbium Tb) permet de créer des nanothermomètres moléculaires très précis dont la plage de sensibilité en température peut être modulée pour répondre à différentes applications. © Svetlana Eliseeva

Référence

Tunable Optical Molecular Thermometers Based on Metallacrowns

Elvin V. Salerno, Albano N. Carneiro Neto, Svetlana V. Eliseeva, Miguel A. Hernández-Rodríguez, Jacob C. Lutter, Timothée Lathion, Jeff W. Kampf, Stéphane Petoud, Luis D. Carlos et Vincent L. Pecoraro, J. Am. Chem. Soc. 29 septembre 2022.

Contact

Svetlana V. Eliseeva
Chercheuse au Centre de biophysique moléculaire d'Orléans (CNRS)
Stéphane Petoud
Chercheur au Centre de biophysique moléculaire d'Orléans (CNRS)
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS