Des électrons chauds pour une oxydation tout en douceur

Résultats scientifiques

L’oxydation des hydrocarbures est une réaction très utilisée industriellement mais très énergivore. Pour rendre cette chimie plus douce, une équipe de physiciens et chimistes franco-britanniques présente, dans une étude parue dans la revue Green Chemistry, un nouveau système catalytique à base de nanoparticules métalliques qui réchauffent leur environnement sous l’action de la lumière.

L'oxydation d'oléfines insaturées comme celle du cyclooctène en époxyde est une réaction très importante à l'échelle industrielle qui peut être catalysée par de nombreux composés en phase homogène ou en phase hétérogène. Elle fait toujours néanmoins l'objet de recherche afin de minimiser son impact environnemental, d'améliorer les conditions et d'optimiser ses performances. Dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire entre l’Université de Cardiff (UK) et 3 laboratoires français lillois : l’Unité de catalyse et chimie du solide (CNRS/Centrale Lille/Université d’Artois/Université de Lille), le Laboratoire avancé de spectroscopie pour les interactions, la réactivité et l'environnement et le laboratoire Physique des lasers, atomes et molécules (CNRS/Université de Lille), des physiciens et des chimistes ont développé un nouveau système catalytique pour ces réactions qui est piloté par la lumière.

Ce catalyseur est à base de nanoparticules (NPs) de métaux nobles qui peuvent en effet absorber la lumière pour générer des électrons chauds et provoquer un réchauffement local par hyperthermie. Ces propriétés permettent une conversion efficace de la lumière en énergie thermique et un transfert d'énergie vers le microenvironnement local autour des NPs. Les scientifiques ont utilisé ces nanoparticules pour catalyser l’oxydation d’oléfines insaturées comme le cyclooctène en époxyde à température douce. En combinant des nanoparticules catalytiques à base de tungstène et des nanoparticules d’or, ils ont créé des émulsions huile (oléfines)/eau par sonication. Ces émulsions, dite de Pickering, ne sont pas stabilisées par un tensioactif mais bien par les nanoparticules catalytiques qui se localisent et s’auto-assemblent à l’interface huile/eau, créant ainsi une catalyse interfaciale de Pickering, particulièrement efficace.

Sous irradiation, la résonance plasmonique localisée à la surface des nanoparticules métalliques absorbe l’énergie lumineuse pour générer des électrons chauds et provoquer un réchauffement autour des NPs à l’interface huile/eau. Contrairement au chauffage conventionnel, la catalyse pilotée par ces NPs fait intervenir des électrons chauds et/ou un gradient de température à la surface du catalyseur sous irradiation lumineuse pour accélérer son activité et modifier la sélectivité des réactions en activant des liaisons chimiques spécifiques. Cet échauffement local permet une activité multipliée par 5 par rapport à la réaction thermique pour l'oxydation d’alcènes avec le peroxyde d’hydrogène H2O2 (eau oxygénée). De plus, les nanoparticules sont aisément récupérées en fin de réaction et ont pu être ré-utilisées jusqu’à 5 fois sans perdre leur activité. Ces résultats, parus dans la revue Green Chemistry, ouvrent une voie pour la conception de photoréacteurs multiphases pour des réactions d'oxydation à température douce, avec, à conversion identique, une économie d'énergie potentielle de 74% par rapport à celle des réacteurs chauffés thermiquement.

Des électrons chauds pour une oxydation tout en douceur_image
Des émulsions stabilisées par un des nanoparticules catalytiques sensibles à la lumière et qui se localisent et s’auto-assemblent à l’interface huile/eau permettent une catalyse interfaciale particulièrement efficace pour oxyder des alcènes en époxydes. © Véronique Rataj

Référence

Light-driven Pickering interfacial catalysis for the oxidation of alkenes at near-room temperature
Y. Feng, J.-F. Dechezelle, Q. D'Acremont, E. Courtade, V. De Waele, M. Pera-Titus & V. Nardello-Rataj
Green Chem. 2023

DOI : https://doi.org/10.1039/D2GC04591E

Contact

Véronique Rataj
enseignante-chercheuse à l’Unité de catalyse et chimie du solide (CNRS/Centrale Lille Institut/Université d’Artois/Université de Lille)
Marc Pera-Titus
Professeur à l'Université de Cardiffe (UK)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS