Des électrons chauds pour la catalyse d’objets chiraux

Résultats scientifiques

Des scientifiques de l’institut CBMN (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux), du laboratoire ITODYS (CNRS/Université Paris Cité), de l’Université de l’Ohio aux Etats Unis et de l’institut CINBIO de l’Université de Vigo en Espagne, viennent de mettre en évidence la chiralité des électrons de surface de nouveaux nanocomposites, appelés électrons « chauds », qui se traduit par une influence de la polarisation de la lumière sur son absorption par ces composés. Cette propriété, décrite dans un article du J. Am. Chem. Soc., pourrait être exploitée dans des réactions catalytiques pour concevoir des objets dont on pourrait, grâce à la lumière, contrôler la chiralité.

Lorsqu’une nanoparticule métallique absorbe une onde électromagnétique telle que la lumière, ce phénomène peut engendrer une excitation des électrons situés à la surface de l’objet, appelée « résonance plasmonique de surface localisée ». Certains de ces électrons excités, appelés électrons « chauds », dont la durée de vie est uniquement de quelques centaines de femtosecondes, relaxent suivant deux canaux. L’énergie engendrée par cette excitation lumineuse peut se dissiper par déperdition de chaleur à l’échelle nanométrique, l’objet se comportant alors comme une « nanosource thermique ». Mais ils peuvent également céder leur énergie pour catalyser des réactions chimiques inattendues, couplant ainsi réactivité et plasmonique.

D’où la question que se sont posés les chercheurs : qu’en est-il pour des nano-objets chiraux, qui peuvent prendre deux formes images l’une de l’autre dans un miroir que l’on appelle énantiomère gauche et droit, et dont on sait qu’ils absorbent différemment la lumière selon sa polarisation circulaire ?  Pourrait-on, en sélectionnant l’un des deux énantiomères c’est-à-dire l’énergie que lui a fourni l’absorption du photon, orienter la réaction chimique qu’il va catalyser vers la synthèse de composés dont on pourrait ainsi contrôler également la chiralité ?

Pour tenter de répondre à cette question, les scientifiques de l’Institut CBMN (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux), du laboratoire ITODYS (CNRS/Université Paris Cité), de l’Université de l’Ohio aux Etats Unis et de l’institut CINBIO de l’Université de Vigo en Espagne, ont utilisé des rubans de silice chiraux pour assembler des nanoparticules d'or et de dioxyde de titane conduisant à la formation de « photocatalyseurs plasmoniques » chiraux. Leur activité optique, c’est-à-dire la façon dont chaque énantiomère absorbe la lumière est effectivement différente, et les scientifiques ont montré que l'activité catalytique de ces nanorubans SiO2@Au@TiO2 n'était observée que lorsque l’énantiomère était excité avec une polarisation de la lumière correspondant à sa chiralité. Cette propriété photocatalytique, résultat de la sensibilité des électrons « chauds » à la polarisation de la lumière excitatrice qui les a générés, pourrait donc être exploitée pour le développement de réactions photochimiques sensibles à la polarisation de la lumière, notamment la conception de nouveaux objets chiraux.

Rédacteur : CCdM

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Images de microscopie électronique en transmission de rubans de silice tournant à gauche et à droite, recouverts de nanoparticules d’or puis de nanoparticules de dioxyde de titane. Graphes montrant la dégradation de la rhodamine B en fonction de la polarisation de la lumière pour les rubans gauches et droits.  © Emilie Pouget

Référence

Y. Negrín-Montecelo, A. Movsesyan, J. Gao, S. Burger, Z. M. Wang, S. Nlate, E. Pouget, R. Oda, M. Comesaña-Hermo, A. O. Govorov & M. A. Correa-Duarte
Chiral Generation of Hot Carriers for Polarization-Sensitive Plasmonic Photocatalysis

J. Am. Chem. Soc. 2022, 144, 1663-1671

https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jacs.1c10526

Contact

Emilie Pouget
Chercheuse à l’institut de Chimie et biologie des membranes et des nanoobjets (CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux)
Miguel Comesaña-Hermo
Chercheur au laboratoire Interfaces traitements organisation et dynamique des systèmes (ITODYS) (CNRS/Université Paris Cité)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC