Des catalyseurs plus efficaces pour le stockage chimique de l’hydrogène

Résultats scientifiques

Alors que l’hydrogène est en passe de devenir l’un des principaux vecteurs énergétiques du 21ième siècle, son stockage et son utilisation à grande échelle restent à ce jour des défis majeurs. Des chimistes du CNRS proposent de nouveaux catalyseurs plus efficaces et plus durables pour le stockage « chimique » dans des molécules organiques d’où il pourrait être libéré à la demande et de manière contrôlée.

Pour un avenir énergétique plus durable et plus propre, l’hydrogène, carburant alimentant les piles à combustible, sera probablement un élément incontournable. Sa production « verte » et surtout son stockage font donc l’objet de vastes programmes de recherche.

Les composés comme le borazane NH3BH3 et ses dérivés méthylés (MeNH2BH3, Me2NHBH3) sont connus pour montrer un fort potentiel dans ce domaine d’application en raison de leur capacité à stocker et à libérer de grandes quantités d’hydrogène de manière efficace. Ils sont considérés comme une des alternatives à l’utilisation actuelle énergivore d’hydrogène liquéfié (−253°C, 10 bar) ou comprimé (25°C, 700 bar). De plus, ils présentent une faible toxicité et le recyclage des produits post-déshydrogénation est envisageable.  

Pour optimiser les réactions chimiques impliquées dans le stockage de l’hydrogène au sein de ces molécules, des catalyseurs sont nécessaires. Actuellement, les plus performants sont des complexes métalliques à base de métaux nobles, notamment le ruthénium, facteur limitant pour leur utilisation à grande échelle. D’où l’urgence de les remplacer par d’autres, moins coûteux et plus durables.

Dans ce contexte, les scientifiques du Laboratoire de chimie de coordination (CNRS) à Toulouse et de l’Institut Nesmeyanov des Composées Organoélements à Moscou se sont inspirés de l’action catalytique de deux centres métalliques que l’on retrouve fréquemment dans les enzymes naturelles et les catalyseurs biomimétiques. Les équipes mettent ainsi pour la première fois en évidence les performances catalytiques exceptionnelles d’un complexe de manganèse [Mn]Br (Schéma ci-dessous). Elles montrent notamment que l’action coopérative de deux centres métalliques manganèse permet l’activation de petites molécules organiques comme le borazane, facilitant la libération de l’hydrogène. Autre intérêt de ce système : il est facilement synthétisable et stable à l’air, donc robuste. Son secret ?  L’activation simultanée des liaisons N−H et B−H du substrat amine-borane grâce à une synergie entre deux espèces monométalliques [Mn]+ et [Mn]H. Des TONs* pouvant atteindre 18000 ont été obtenus, bien supérieurs à ceux observés avec des catalyseurs à base de métaux abondants (TON 20-500), généralement sensibles à l’oxygène et nécessitant une activation par des bases fortes ou par irradiation UV.

Ces résultats, publiés dans la revue Chemical Science, ouvrent de nouvelles perspectives pour la conception de catalyseurs efficaces et durables pour le stockage d’hydrogène à partir des composés amine-boranes.

Rédacteur : CCdM

*TON (turnover number) : nombre de cycles effectués par le catalyseur.

dmitry
© Dmitry Valyaev

 

Référence

Ekaterina S. Gulyaeva, Elena S. Osipova, Sergey A. Kovalenko, Oleg A. Filippov, Natalia V. Belkova, Laure Vendier, Yves Canac, Elena S. Shubina & Dmitry A. Valyaev
Two active species from a single metal halide precursor: a case study of highly productive Mn-catalyzed dehydrogenation of amine-boranes via intermolecular bimetallic cooperation

Chemical Science 2023

https://pubs.rsc.org/en/Content/ArticleLanding/2023/SC/D3SC05356C

Contact

Dmitry Valyaev
Chercheur au Laboratoire de chimie de coordination (CNRS)
Yves Canac
Chercheur au Laboratoire de chimie de coordination (CNRS)
Communication CNRS Chimie