Daniel Lincot : sous le soleil exactement !

Entretiens

A l’occasion de sa nomination à la chaire Innovation technologique Liliane Bettencourt 2021-2022 du Collège de France, avec pour thématique « énergie solaire photovoltaïque et transition énergétique », Daniel Lincot nous livre ce que cet enseignement implique pour lui. 

Comment avez-vous régi lorsque vous avez appris cette nomination ?

L’attribution de cette chaire exprime une reconnaissance de la communauté scientifique qui me touche profondément, et c’est pour moi bien plus qu’un prix ou une distinction. C’est m’offrir l’opportunité de m’exprimer, dans ce lieu prestigieux qu’est le collège de France, sur un sujet de recherche dans lequel je me suis engagé dès le début de ma carrière, par vocation, et qui n’a toujours pas fini de me passionner. J’ai été particulièrement sensible au fait que le titre du sujet que je vais traiter mentionne explicitement la dimension sociétale de l’énergie photovoltaïque, à travers la transition énergétique que j’aurais l’occasion de développer dans mes cours. Cette chaire est également une reconnaissance de ce thème de recherche qui réunit la dimension scientifique, au cœur de mon propos, la perception sociétale, voire philosophique de l’énergie solaire globale dans la transition énergétique, et enfin les enjeux technologiques incontournables pour transférer les recherches menées en laboratoire vers le monde industriel. Trois composantes indissociables qui seront abordées au fil des cours.
C’est un défi, une aventure totalement nouvelle pour moi, à la fois stimulante et génératrice d’un peu de trac…une opportunité unique de communiquer précisément sur ce domaine et de faire passer des messages.

 

Justement, quels sont les messages que vous souhaitez faire passer à l’occasion de ces cours ?

Ils sont nombreux mais le tout premier que je ne cesse de répéter, c’est que c’est à nous de nous adapter aux différentes formes d’énergie, pas l’inverse. Le jour où nous ne saurons plus nous adapter, ce sera la fin du progrès. Avec la conversion photovoltaïque on a enfin réussi à transformer directement la lumière en électricité, sans intermédiaire, ce qui est une innovation dont on ne mesure pas assez l’importance. On a aussi longtemps reproché à l’énergie solaire son intermittence qui serait à l’origine de difficultés supplémentaires pour son utilisation à grande échelle. Cet argument n’a plus de sens. Si elle a pu l’être par le passé, cette intermittence n’est plus un problème car les solutions technologiques sont également là pour stocker cette électricité en la transformant par exemple en énergie (electro)chimique, comme dans les batteries ou l’hydrogène.  Le soleil est une source d’énergie extraordinaire, pas uniquement à cause de son abondance mais aussi par son universalité géographique qui lui donne un caractère plus démocratique que beaucoup d’énergies fossiles par exemple.

L’autre message qui revêt un caractère également important, c’est qu’il est impossible, quand on parle d’énergie photovoltaïque, de dissocier recherche fondamentale, innovation et transfert technologique. D’ailleurs, le CNRS l’a bien compris en soutenant fortement ses chercheurs, dont moi-même, dans cette approche. Elle a conduit en particulier à la création de l’Institut photovoltaïque d’Ile de France (IPVF) qui concrétise cette rencontre nécessaire pour réussir la transition énergétique.

 

Quelle place occupera l’énergie photovoltaïque dans la transition énergétique ?

Cette voie de production d’énergie électrique a maintenant rendez-vous avec l’histoire, rendez-vous manqué à l’occasion du premier choc pétrolier pour plusieurs raisons, dont son développement embryonnaire insuffisant pour un déploiement industriel rapide. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Une industrie très dynamique et compétitive existe, prête à prendre le relais et assurer une contribution majeure à la transition énergétique.

La recherche n’a jamais été aussi dynamique et novatrice, explorant sans cesse de nouvelles filières pour augmenter les rendements et diminuer les coûts de production. Elle est porteuse d’innovations majeures qui amélioreront encore l’attractivité du photovoltaïque pour les investissements et la création d’emplois. Le photovoltaïque bénéficie également d’une excellente acceptabilité sociale, d’une adhésion citoyenne croissante, peut-être en partie parce que ce moyen de production peut être déployé à grande échelle mais aussi à petite échelle, à proximité de chacun, sur les toitures ou les façades, en autoconsommation. Les petits ruisseaux font les grandes rivières, c’est aussi vrai en matière d’énergie. Mon message est aussi de ne pas gâcher cela en négligeant les questions fondamentales de respect de l’environnement, de la biodiversité, de bien commun, en développant une analyse rigoureuse et transparente de l’ensemble de ces aspects.

Tous les feux sont donc au vert, il faut y aller et faire preuve d’ambition à tous les niveaux de la société pour développer une industrie photovoltaïque en France à la hauteur des enjeux de la lutte contre le changement climatique. Contrairement aux années 70-80 où seuls des rêveurs, dont je faisais partie, croyaient au solaire contre une réalité économique têtue, c’est aujourd’hui le monde économique qui plébiscite l’énergie solaire et les énergies renouvelables. Et cela peut tout changer.

* Daniel Lincot, Directeur de recherche émérite CNRS. De 2013 à 2019, il a été directeur scientifique de l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) dont il a participé à la création. Il vient de fonder une startup, Soy PV, en vue de la fabrication de modules photovoltaïques innovants sur le site de Paris Saclay.

Rédacteur : CCdM

Contact

Daniel Lincot
Directeur de recherche émérite CNRS / IPVF
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC