Cornelia Meinert, la chimie aux origines de la vie sur terre

Entretiens

Directrice de recherche au CNRS, Cornelia Meinert est spécialiste de chimie analytique et de la formation des briques élémentaires à l’origine de la vie, à l’Institut de chimie de Nice. Elle a contribué à l'ouvrage collectif Étonnante Chimie.

Après un parcours universitaire et une thèse obtenue en Allemagne, son pays d’origine, Cornelia Meinert, experte en chimie analytique, rejoint le CNRS en 2013 à l’Institut de chimie de Nice (ICN), comme chercheuse. Son projet porte alors sur l’étude de l’asymétrie des acides aminés. Ses recherches vont l’orienter vers l’étude de l’origine de la vie sur terre. Les acides aminés sont les briques élémentaires des protéines qui forment les molécules du vivant. Chaque acide aminé est chiral et peut adopter une forme droite ou gauche non superposable l’une à l’autre, comme la main droite ou la main gauche.

« On a trouvé des acides aminés extraterrestres dans les météorites avec un excès de forme gauche, une caractéristique identique aux acides aminés des organismes vivants sur Terre. Nous avons dans l’idée que cette origine extraterrestre des briques élémentaires du vivant serait l’explication de la symétrie particulière des molécules du vivant. Il y a environ 4 milliards d’années, cet excès se serait transmis lorsque la vie est apparue sur notre planète. » explique la chercheuse.

Sans dévoiler la beauté de cette étude que conte Cornelia Meinert dans l’ouvrage collectif Étonnante chimie ! (CNRS Editions), celle-ci nous invite à une réflexion poétique et philosophique. Et si les réponses venaient de l’espace ? Ses observations et interrogations sur l’origine de la vie sur Terre, donnent tout simplement à voir du merveilleux.

« On ignore pourquoi toutes les protéines du vivant ont choisi la forme gauche pour les acides aminés qui les constituent et pas la forme droite. Pour le sucre présent dans notre ADN, c’est la forme droite qui s’observe. L’hypothèse, c’est que ces phénomènes d’homochiralité auraient débuté dans l’espace interstellaire dans lequel s’est formé notre système solaire.» raconte Cornelia Meinert au sujet de son domaine de recherche.

Le phénomène d’homochiralité du vivant est connu des scientifiques depuis que l’on étudie les protéines, c’est la répétition d’une seule et même forme d’acide aminé. Dans le cas des organismes vivants c’est la répétition de la forme gauche. La question est de comprendre la raison de cette asymétrie moléculaire ? C’est le thème de recherche de l’équipe de Cornelia Meinert qui vient d’obtenir une bourse ERC[1]. Une des rares équipe qui travaillent en France sur la chiralité en combinant des expériences utilisant la lumière des synchrotrons avec des analyses moléculaires de modèle de comètes. L’équipe étend son activité à l’analyse d’échantillon de matières extraterrestres : des météorites ou des échantillons d’astéroïdes. Un laboratoire devenu expert dans ce domaine.

En arrivant à l’Institut de Chimie de Nice en post-doctorat, Cornelia n’avait pourtant pas prévu d’y rester mais elle s’est passionnée pour cette recherche spatiale et a su créer des liens. Médaillée de bronze du CNRS en 2018 et Directrice de recherche depuis 2020, Cornelia Meinert parle des études sur la chiralité comme d’une spécificité très française puisque c’est un certain Pasteur qui découvre le nouveau territoire, la chiralité, en 1848, puis Pierre Curie qui transposait, en 1894, les raisonnement de symétrie à l’ensemble de la physique dans son grand mémoire intitulé : « Sur la Symétrie dans les phénomènes physiques, symétrie d’un champ électrique et d’un champ magnétique ».

Lorsque la scientifique s’adresse à un public non initié, elle met l’accent sur la sensibilisation des plus jeunes aux sciences et le plus tôt possible.  « J’ai la chance que mon sujet intéresse le public. J’aime bien dire aux jeunes que nous venons tous des étoiles. » Et aux fans de réseaux sociaux, Cornelia Meinert se plait à dire « Vous êtes en quelque sorte des stars ! Intéresser très tôt et montrer aux filles et garçons que le territoire de la chimie est vaste et passionnant. »

Par Zahra Muyal

[1] European Research Council