Biodiversité : l’otolithe, un GPS chimique dans l’oreille des poissons

Résultats scientifiques

A l’instar des cernes des arbres, l’otolithe, minuscule pierre concentrique dans l’oreille du poisson, renseigne Gilles Bareille sur la vie des saumons et l’état de leur population. Les travaux de ce chercheur du CNRS à l’Institut des Sciences analytiques et de physico-chimie pour l'environnement et les matériaux font notamment l’objet du documentaire La Rivière de Dominique Marchais récompensé par le prix Jean Vigo 2023. 

Pourquoi le réalisateur Dominique Marchais vous a-t-il contacté pour la réalisation de son documentaire La Rivière, sorti en salle en France le 22 novembre 2023 ?

Après un documentaire sur l’eau, Dominique Marchais souhaitait cette fois montrer comment l’homme avait modifié, altéré la biodiversité des rivières du Sud-Ouest et exposer les solutions pour changer de paradigme. Il est donc entré en contact avec Migradour qui concourt à la protection des populations de poissons migrateurs et à leur restauration. Cette association suit de près mes recherches et a renvoyé le réalisateur vers moi. Cela fait en effet un peu plus de 10 ans que j’étudie la vie des saumons sur l’Adour et au-delà, par le biais de la composition chimique de leur pierre d’oreille. Je partage mes résultats avec les gestionnaires des milieux aquatiques et de leur préservation pour être utile à la société.


Quels sont vos travaux sur le sujet ?


L’otolithe est une minuscule pierre contenue dans l’oreille interne des poissons qui se forme, jour après jour, par le dépôt d’une couche concentrique de carbonate de calcium et de protéines. Chaque couche intègre des éléments chimiques dont certains qui sont représentatifs du milieu de vie.
Grâce à l'extraction des otolithes du saumon, leur analyse par couplage ablation laser - spectrométrie de masse puis l'interprétation des enregistrements chimiques temporels, j’obtiens des informations uniques sur l'origine natale (pisciculture ou reproduction naturelle), la rivière de grossissement au stade juvénile, leurs déplacements, leur âge … Au final je balaye toute l'histoire de vie de cette espèce patrimoniale. 
Pouvoir évaluer l'efficacité des programmes de restauration et déterminer les rivières-frayères à l’origine du renouvellement des populations de saumons à l'échelle du Golfe de Gascogne conduit à mieux connaitre leur dynamique de fonctionnement, et ainsi à aider et conseiller les gestionnaires. Ce système est également pertinent pour la Garonne, la Dordogne et la Bretagne. Je suis même en train de tester cette approche otolithe sur la Loire et sur le Rhin et les résultats préliminaires semblent probants.


Quel chemin avez-vous emprunté pour parvenir à votre sujet actuel de recherche ?


Je suis géologue et océanographe de formation. Au début de ma carrière, j’étais spécialisé en paléoclimatologie dans l’Antarctique. Puis je suis venu à la géochimie, dans un premier temps à l’échelle des milieux aquatiques et à présent sur un objet biominéral millimétrique qu’est l’otolithe du poisson. Aujourd’hui, j’apporte mon expérience de l’environnement aux chimistes qui m’éclairent sur la partie analytique. Nous sommes vraiment dans l’interdisciplinarité à l’Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l'environnement (IPREM) !
 

Pour en savoir plus :

Voir la bande annonce du film la rivière : https://www.meteore-films.fr/distribution-films/La-Riviere-Dominique-Marchais

Site web de l'IPREM : https://iprem.univ-pau.fr/fr/index.html

 

Contact

Gilles Bareille
Chargé de Recherche CNRS
IPREM-Bareille Gilles

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