Bientôt une économie circulaire pour les matériaux composites ?

Résultats scientifiques

Pales d’éoliennes, avions, voitures, articles de sport utilisent tous des matériaux composites à matrice polymère renforcée par des fibres de verre ou de carbone. Cette stratégie a permis des gains considérable d’énergie par un allègement des structures, mais pose néanmoins un gros problème environnemental : ces matériaux ne sont pas recyclables. Ou du moins ne l’étaient pas jusqu’ici. Une lueur d’espoir vers des composites recyclables et biosourcés vient en effet de paraître dans Science.

Les résines polyépoxydes thermodurcissables, communément appelées époxy, constituent une classe importante de matériaux polymères. Associées à des fibres de verre ou de carbone, elles forment la grande majorité des matériaux composites. Cette stratégie de renforcement est abondamment utilisée depuis plusieurs décennies pour remplacer des matériaux très résistants mais lourds comme les métaux par des matériaux plus légers.  D’intenses efforts de recherche interdisciplinaire entre chimistes, physiciens et ingénieurs ont permis de mettre au point des composites aux propriétés exceptionnelles pour le transport, l’aéronautique, le bâtiment ou le sport.

Seule ombre au tableau : une fois formées, ces résines époxy sont insolubles et ne peuvent pas être refondues pour être recyclées, réparées ou remodelées. Ce sont donc des matériaux intrinsèquement non recyclables dont l’impact environnemental s’avère dévastateur puisqu’ils finissent en décharge ou incinérés. Un exemple particulièrement actuel est la question de cycle de vie des pâles d’éoliennes qui, dans un contexte de transition énergétique, démontre l’urgence de concevoir des résines époxys intrinsèquement recyclables basées sur des ressources renouvelables.

Sous l’impulsion du Pr. Katakin Barta de l’Université de Graz en Autriche, des chimistes et ingénieurs du CNRS*, en collaboration avec des scientifiques hollandais, ont mis au point une telle résine époxy totalement biosourcée et recyclable. Cette résine résulte d’une combinaison judicieuse de molécules dérivées de la biomasse, en particulier de la cellulose et de la lignine, et est dotée d'excellentes propriétés thermomécaniques. Après avoir vérifié sa compatibilité avec différentes fibres de verre et fibres végétales, l’équipe de scientifiques a ensuite étudié sa recyclabilité. Résistante à la plupart des solvants organiques et à l’eau, cette résine à base d’ester furanique peut cependant être décomposée en ses constituants de base par simple méthanolyse en l’absence de tout catalyseur. Le méthanol, solvant organique abondamment disponible, permet de rompre les liaisons esters et récupérer les briques de base biosourcées qui peuvent resservir à former la résine. Ces résultats, publiés dans la revue Science, représentent une avancée majeure vers l'intégration des matériaux composites à matrice thermodurcissables dans l'économie circulaire et bio-sourcée.

Rédacteur: AVR

* de l’Institut Charles Gerhardt Montpellier (ICGM - CNRS/Université de Montpellier) et de l’institut Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique – sciences et technologies (FEMTO-ST - CNRS/Université de Franche-Comté)

Référence


Closed-loop recyclability of a biomass-derived epoxy-amine thermoset by methanolysis
Xianyuan Wu et al.
Science 
2024
DOI:10.1126/science.adj9989

Une nouvelle résine thermodurcissable formée à partir de briques de base issues de la biomasse présente d’excellente propriétés thermomécaniques, une bonne résistance aux solvants et est compatible avec les fibres utilisées pour renforcer ces matrices © Sylvain Caillol

Contact

Sylvain Caillol
Chercheur à l’Institut Charles Gerhardt Montpellier (CNRS/Université de Montpellier)
Vincent Placet
Ingénieur à l’institut FEMTO-ST (CNRS/Université de Franche-Comté)
Communication CNRS Chimie