Antipaludiques : une première génération de sondes de la plasmodione

Résultats scientifiques

L’identification in situ des cibles protéiques des médicaments dans des systèmes biologiques complexes est une étape essentielle au développement de nouveaux principes actifs. C’est notamment le but recherché par les scientifiques du Laboratoire d'innovation moléculaire et applications (CNRS /Université de Strasbourg/Université de Haute-Alsace)* pour la plasmodione, un agent antipaludique. Ils viennent de concevoir des sondes moléculaires portant des fonctions photoréactives spécifiques qui ont permis d’élucider les interactions de la plasmodione et de ses métabolites avec deux cibles protéiques de la cellule infectée. Publiés dans la revue Journal of the American Chemical SocietyAu, ces travaux permettent d’envisager de nouvelles stratégies d’optimisation de médicaments antipaludiques.

La plasmodione** est un agent antipaludique conçu pour détruire l’homéostasie rédox** du parasite du paludisme c’est-à-dire sa capacité à maintenir l’équilibre de son milieu réducteur intérieur quelles que soient les contraintes externes, en particulier chez les deux stades parasitaires-clefs impliquées dans sa résistance à l’artémisinine (un autre antipaludique) et dans sa transmission aux moustiques. Pour expliquer son mode d’action, les scientifiques du Laboratoire d'innovation moléculaire et applications ont proposé une cascade de réactions issues de sa bioactivation faisant intervenir des protéines essentielles au développement du parasite. Mais l’absence d’outils moléculaires susceptibles d’identifier les cibles protéiques des systèmes biologiques complexes que sont le parasite, la cellule hôte et l’insecte, représentait un réel frein à la compréhension des réseaux d’interactions qui se forment lors de la bioactivation du médicament et de ses métabolites.

D’où l’idée des chimistes d’élaborer des sondes moléculaires conçues pour réagir avec des partenaires protéiques spécifiques. Les scientifiques ont ainsi montré que, sous photoirradiation, ces sondes génèrent des métabolites similaires aux structures des métabolites de la plasmodione qu’ils avaient proposé. Cette première génération de sondes de la plasmodione, utilisée en imagerie couplée à la spectrométrie de masse, leur a permis d’apporter une preuve de concept du marquage par photoaffinité de deux protéines pures recombinantes du globule rouge parasité, et d’élucider ainsi les interactions des métabolites de la plasmodione dans les cavités de ces structures de protéines modèles. Ce travail ouvre des perspectives futures dans l’utilisation de ces sondes dans des globules rouges parasités vivants pour identifier l’interactome de la plasmodione.

Ces travaux publiés dans Journal of the American Chemical SocietyAu ouvrent la voie à de nouvelles stratégies d’optimisation de nouveaux antipaludiques.

 (*) En collaboration avec les laboratoires Réponses immunitaires chez les moustiques et le laboratoire de Spectrométrie de masse bioorganique à Strasbourg.

(**) 3-[4-trifluoromethyl-benzyl]-ménadione.

Rédacteur : CCdM

image Davioud
Structures chimiques des sondes (pro-)ABPP dérivées de la plasmodione, de ses métabolites « PDO-ABPP » générés sous photoirradiation UV, et des adduits protéiques selon deux voies d’activation, via l’adduit classique de type benzophenone par insertion CH, ou via la benzoxanthone par addition de Michael sur l’énone générée. © Elisabeth Davioud-Chavet

 

Référence

Bogdan A. Cichocki B., Vrushali Khobragade, Maxime Donzel, Leandro Cotos, Stéphanie Blandin, Christine. Schaeffer-Reiss, Sarah Cianférani, Jean-Marc Strub, Mourad Elhabiri & Elisabeth Davioud-Charvet.

A new class of valuable (pro-)activity-based protein profiling probes: application to the redox-active antimalarial drug, plasmodione

Journal of the American Chemical Society 2021

doi: 10.1021/jacsau.1c00025

Contact

Elisabeth Davioud-Charvet
Chercheuse au Laboratoire d'innovation moléculaire et applications
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC