Alessandra Quadrelli, une femme passionnée de chimie qui s’ouvre à l’interdisciplinarité

Développement durable Entretiens

Chercheuse au parcours résolument international, Alessandra Quadrelli nous emmène au-delà des frontières, disciplinaires cette fois, pour une réflexion sur les « chimies situées » qui mobilisent la chimie, l'analyse des systèmes complexes et les sciences humaines et sociales. Une approche insolite qui fait le lien entre transition énergétique, parité et réflexion sur la science et son adaptation à l’accélération de défis environnementaux.

Depuis plus de 10 ans, Alessandra Quadrelli conduit des recherches sur l’utilisation de petites molécules comme le dioxyde de carbone pour stocker l’énergie solaire et créer des alternatives aux carburants fossiles. Cette valorisation largement assistée par la catalyse hétérogène, Alessandra la développe à l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELYON, CNRS/Université de Lyon 1) où elle est directrice de recherche CNRS.

Si la nature, qui transforme le CO2 de l’air en sucres et autres molécules, inspire en effet les chimistes depuis des siècles, « le changement climatique a bouleversé littéralement notre perception de cette molécule » rappelle la chercheuse. Et cette évolution, Alessandra a contribué à nous la rendre plus perceptible dans la version revisitée du fameux Tableau de Mendeleïev avec des cases qui rendent maintenant aussi visibles les conditions géopolitiques d’exploitation/extraction des ressource fossiles et leur impact environnemental. « Le carbone, de vert, couleur de l’abondance dans ce tableau, est maintenant aussi rouge, pour l’impact environnemental de ses formes fossiles, et gris, pour leurs liens à des conflits armés » souligne Alessandra.

Sa passion pour la chimie et les grands enjeux sociétaux a poussé la chercheuse au dynamisme communicatif vers les voies de valorisation du CO2. Comme elle le dit si simplement : « La valorisation chimique du CO2 avec des sources d'énergie durables comme le soleil apparaît, à la fois, une solution environnementale aux problèmes liés à ce gaz à effet de serre, et un formidable terrain de jeu pour la recherche en chimie. »  En même temps, la complexité, la rapidité et la nature systémique et anthropique des changements à l’échelle du système Terre la poussent à questionner les limites de son approche.  « Par trois fois, j’ai co-fondé une école ou une conférence scientifique qui me permettait de prendre du recul vis-à-vis du cadre qui sous-tend mes recherches. »

La dernière en date, autour de la chimie et la transition énergétique, était une école thématique du CNRS soutenue par 3 de ses instituts (chimie, écologie et environnement et sciences humaines et sociales). Résolument à barycentre chimie, l’école regroupait aussi plusieurs chercheuses et chercheurs en sciences humaines et sociales (histoire, philosophie, psychologie, économie, géographie). « Cela nous a permis une approche interdisciplinaire qui a apporté un nouvel éclairage sur mes recherches » explique Alessandra.

Suite à cette école, la directrice de recherche fonde le cadre de réflexion « Chimies Situées » qui explore le couplage entre la chimie et la théorie de savoirs situés, issue des sciences sociales. « Chimies Situées » est le thème de ses cours au sein de la 5ème édition de A l’Ecole de l’anthropocène  et de cours qu’elle donne à  l’université de Lyon  1. « La juxtaposition entre chimie, anthropocène et sciences sociales m’a semblé en beaucoup de points féconde, et m’amène à expliciter l’existence de plusieurs chimies possibles pour répondre aux défis présents et aux scenarios futurs qui se dessinent. »

Sa démarche actuelle fait aussi écho à son investissement dans la rédaction du rapport Parité et évaluation non-discriminatoire au CNRS pendant son mandat auprès du Comité National de la Recherche Scientifique : « Au Comité National, nous avions conclu que des critères apparemment neutres contenaient des biais qui, par construction sociale,  défavorisent  la parité, entre autres formes de discrimination, au CNRS. Corriger ces biais conduit à un CNRS plus fort et plus diverse. Maintenant je ne regarde plus l’institution qui abrite ses chercheurs et chercheuses, mais les recherches elles-mêmes : je pense nécessaire travailler le lien, qui reste la plupart du temps caché, entre la situation (au sens large) d'une personne menant des recherches et la spécificité de ses recherches et de son évaluation des données. C’est un enjeu de qualité de la science produite » conclut Alessandra.

Et si la diversité est une richesse, ce n’est pas peu dire lorsqu’on rencontre Alessandra…

Anne-Valérie Ruzette

Contact

Elsje Alessandra Quadrelli
Chercheuse à l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IRCELYON, CNRS/Université de Lyon 1)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS