Un marqueur fluorescent caméléon pour l’étude des cellules

Résultats scientifiques

L’exploration du fonctionnement interne des cellules vivantes utilise différents marqueurs fluorescents capables de cibler individuellement des protéines. Choisir le bon marqueur reste cependant complexe. Des chercheurs du LBM (CNRS/ENS/Sorbonne Université), de PASTEUR (CNRS/ENS/Sorbonne Université), de l’IBENS (CNRS/ENS/INSERM), de l’IPNP (INSERM/Université de Paris) et de l’IGDR (CNRS/Université Rennes 1) ont développé un système permettant de marquer les protéines cellulaires grâce à une protéine unique, capable de s’assembler à une gamme de composés fluorescents qui émettent une lumière colorée dans presque l’ensemble du spectre visible. Des résultats à retrouver dans la revue Nature Communications.

En biologie cellulaire, les protéines sont étudiées en les couplant à des marqueurs fluorescents qui révèlent, en temps réel, leur présence et leur comportement lors d’observations au microscope. Il existe parmi ces marqueurs fluorescents des marqueurs chémogénétiques, composés d’un tag protéique et d’un fluorophore. Composés d’une partie protéine, ces marqueurs chémogénétiques peuvent être combinés, grâce à des techniques de biologie moléculaire, à virtuellement n’importe quelle protéine cellulaire pour donner des protéines artificielles, dites chimériques ou de fusion. L’information génétique permettant la synthèse de ces protéines de fusion peut facilement être insérée dans la cellule pour qu’elle produise elle-même la protéine modifiée, que l’on souhaite étudier. Bien que ces marqueurs chémogénétiques permettent de détecter une cible en utilisant différents types de microscopes, certaines approches d’imagerie telles que la microscopie à super-résolution ou la biodétection par des techniques de FRET (Transfert d’énergie entre molécules fluorescentes) nécessitent des marqueurs toujours plus innovants et performants. Des chercheurs du Laboratoire des biomolécules (LBM, CNRS/ENS/Sorbonne Université), du laboratoire Processus d’activation sélectif par transfert d’énergie uni-électronique ou radiatif (PASTEUR, CNRS/ENS/Sorbonne Université), de l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (IBENS, CNRS/ENS/INSERM), de l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (IPNP, INSERM/Université de Paris) et de l’Institut de génétique et développement de Rennes (IGDR, CNRS/Université Rennes 1) ont conçu un tag protéique extrêmement versatile, capable de s’associer à une palette de fluorophores couvrant la majorité du spectre visible. En les combinant, les scientifiques n’ont alors plus qu’à choisir le fluorophore en fonction des besoins de la technique d’observation utilisée. Les chercheurs ont montré que cette méthode de marquage permet d’observer des protéines dans différentes cellules par microscopie conventionnelle et de super-résolution, et de facilement optimiser des biocapteurs FRET.

Le tag de ce marqueur a été développé par évolution dirigée. Cette technologie innovante permet de générer, grâce à des techniques de biologie moléculaire, des bibliothèques de plusieurs millions de variants et d’identifier ceux présentant les propriétés souhaitées. Ces variants sont exprimés individuellement dans des cellules de levure, afin d’identifier par des techniques de tri cellulaire à haut débit les tags protéiques qui se lient aux fluorophores avec une meilleure affinité et donnent la plus forte brillance. Les biologistes n’ont plus qu’à piocher dans la large palette de fluorophores compatibles celui qui possède les propriétés spectrales et spectroscopiques les plus appropriées au microscope utilisé, et de le combiner au tag protéique pour obtenir le marqueur chémogénétique adéquat. Les chercheurs comptent encore pousser le contrôle des propriétés spectrales, afin que ces marqueurs soient compatibles avec un maximum de techniques d’observation des mécanismes internes des cellules.

Tel un caméléon, ce rapporteur fluorescent chémogénétique peut émettre de la lumière de couleur variée en utilisant différents chromophores fluorogéniques. © Arnaud Gautier

Référence

Engineering of a fluorescent chemogenetic reporter with tunable color for advanced live-cell imaging Hela Benaissa, Karim Ounoughi, Isabelle Aujard, Evelyne Fischer, Rosette Goïame, Julie Nguyen, Alison G. Tebo, Chenge Li, Thomas Le Saux, Giulia Bertolin, Marc Tramier, Lydia Danglot, Nicolas Pietrancosta, Xavier Morin, Ludovic Jullien & Arnaud Gautier Nature Communications volume 12, Article number: 6989 (2021)

https://www.nature.com/articles/s41467-021-27334-0

Contact

Arnaud Gautier
Professeur des universités en chémobiologie
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS