Le comportement ferroélectrique unique du ferrite de gallium enfin démontré

Résultats scientifiques

Le ferrite de gallium est l’un des très rares matériaux connus à combiner, à température ambiante, des propriétés ferromagnétiques et ferroélectriques. L’incompréhension qui entourait sa ferroélectricité compliquait grandement l’intégration de ce matériau dans des dispositifs électroniques. Il n’était même pas certain que le ferrite de gallium soit réellement ferroélectrique. Des chercheurs de l’Institut de physique et de chimie des Matériaux de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), du Laboratoire de cristallographie et science des matériaux (CNRS/ENSI Caen/Université de Caen Normandie) et de l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine) ont confirmé et expliqué son comportement ferroélectrique. Ces travaux, publiés dans la revue Acta Materialia, contribueront à promouvoir l’intégration de films minces de ferrite de gallium dans des dispositifs électroniques afin de concrétiser ses applications potentielles.

Les matériaux ferroïques présentent une propriété physique spontanée contrôlable par l’application d’un stimulus extérieur, comme un champ électrique. Les propriétés concernées peuvent être l’aimantation, la polarisation électrique ou la déformation élastique, et on parle alors respectivement de matériaux ferromagnétiques, ferroélectriques et ferroélastiques. Si le matériau combine plusieurs de ces propriétés, il est dit multiferroïque. Ces cas de figures, avec si possible un couplage des propriétés impliquées, sont particulièrement recherchés en spintronique, une forme d’électronique qui prend en compte le spin des électrons et qui est source de nouvelles possibilités pour le stockage des données. Seuls deux matériaux sont connus pour être multiferroïques à température ambiante, dont le ferrite de gallium (Ga0.6Fe1.4O3). Si son comportement ferromagnétique était bien établi, il en allait tout autrement de sa ferroélectricité, et cela compromettait son potentiel applicatif. On ne comprenait pas comment sa polarisation électrique pouvait se retourner et on mettait même en doute qu’elle le puisse réellement. Des chercheurs de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Université de Strasbourg), du Laboratoire de cristallographie et sciences des matériaux (CRISMAT, CNRS/ENSI Caen/Université de Caen Normandie) et de l’Institut Jean Lamour (IJL, CNRS/Université de Lorraine) ont cependant prouvé que le ferrite de gallium combine bien ferromagnétisme et ferroélectricité, puis révélé le mécanisme de retournement de la polarisation.

Les chercheurs ont pour cela réalisé des études en microscopie électronique en transmission, à plusieurs échelles, sur des couches minces de ferrite de gallium. Ils ont ainsi constaté que certains cations de fer et de gallium pouvaient échanger leurs positions au sein de la structure cristalline du matériau, mais seulement au niveau des parois qui séparent deux domaines de polarisations opposées. Les co-auteurs ont ainsi compris que le retournement de la polarisation n’était possible qu’en présence de telles parois. Il se produit par déplacement de la paroi et par la mobilité de cations de proche en proche en son sein. Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles applications pour le ferrite de gallium, ainsi qu’à l’espoir de découvrir de nouveaux matériaux multiferroïques à température ambiante, dont la ferroélectricité pourrait être basée sur le même mécanisme.

Rédacteur : CCdM

viart
Mise en évidence de densités supplémentaires au voisinage de deux sites cationiques particuliers par PEDT (volet gauche, haut) et visualisation par HR STEM (volet gauche, bas) et EELS (volet droit) de la localisation des échanges cationiques au niveau d’une paroi de domaine. © Nathalie Viart | Philippe Boullay | Xavier Devaux

Référence

Anna Demchenko, Suvidyakumar Homkar, Corinne Bouillet, Christophe Lefèvre, François Roulland, Daniele Preziosi, Gilles Versini, Cédric Leuvrey, Philippe Boullay, XavierDevaux & Nathalie Viart
Unveiling unconventional ferroelectric switching in multiferroic Ga0.6 Fe1.4O3 thin films through multiscale electron microscopy investigations

Acta Materialia 2022

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1359645422007169?via%3Dihub

Contact

Nathalie Viart
, Enseignante-chercheuse à l’Institut de physique et de chimie des Matériaux de Strasbourg
Boullay Philippe
Chercheur au Laboratoire de cristallographie et science des matériaux
Xavier Devaux
Chercheur à l’Institut Jean Lamour
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC